Expositions

« Double Jeu » Jean-François Dubreuil, Max Charvolen

Intégrée au programme d’expositions Artistes en dialogue, l’exposition DOUBLE JEU met en regard des oeuvres de Jean-François Dubreuil avec des pièces de Max Charvolen. Si par leur facture et leur caractère final les oeuvres des deux artistes affichent des différences manifestes, nombreuses et passionnantes sont en réalité les correspondances possibles entre leurs démarches et questionnements respectifs.

À l’origine de tout tableau de Dubreuil, il y a un journal, un titre de la presse écrite. L’artiste transcrit sur la toile le journal, cet objet familier et populaire, en des surfaces de couleurs vives, faisant disparaître son contenu, papier, caractères, photos, publicité et programme télé. Maquette, places dévolues aux espaces rédactionnels, nombre de pages, tous ces éléments constitutifs sont strictement respectés et rendent compte, selon une échelle déterminée, de la réalité du support. Pour autant, l’artiste, à travers sa grille d’analyse, opère un glissement de ce support matériel vers une représentation non-figurative et fondamentalement picturale.

G. : Max Charvolen, Au Cannet-Rocheville, maison Sampère, cloison, huisserie, sol, 2021, 91×64 cm
D. : Jean-François Dubreuil, QAAF1, La Cité N° 12, 08-22/03/13, 2013, 94×96 cm


Cet écart entre l’objet d’origine et l’œuvre achevée, cette disparition des éléments réels, sont également des notions essentielles dans la démarche de Charvolen. Chez lui, le support initial est le bâti, un objet architectural modélisant qu’il utilise comme « matrice » : après avoir recouvert de fragments de toiles peintes un espace défini – souvent choisi en fonction de l’intérêt que présentent les ruptures, les angles, les rencontres d’axes et des plans – l’artiste décolle ce moulage, cette « empreinte augmentée » car déjà source d’un geste pictural. L’étape suivante consiste à passer d’une structure tridimensionnelle à une figure bidimensionnelle, d’un volume architectural à une représentation libérée de sa référence. La mise à plat s’opère par un découpage défini par l’artiste de certaines arêtes, geste ultime qui détermine la présentation de la pièce sur le mur.
Le rapport aux couleurs est de même nature chez les deux artistes. Elles sont essentiellement utilisées comme code pour différencier les espaces et non pas à des fins symboliques ou optiques. On leur prêterait plutôt un rôle signalétique. À leur choix arbitraire chez Charvolen répond leur ordre d’apparition aléatoire chez Dubreuil. Réduites chez Charvolen, elles sont vives et intenses chez Dubreuil, sa « marque de fabrique » en quelque sorte. Car les deux artistes restent attachés aux fondamentaux de la peinture et de ses composants, tels que pinceaux, toiles, pigments, liants et prétendent à une pratique proprement picturale.

Devant les œuvres de chacun, notre perception de l’écart entre matrice d’origine et œuvre finie est variable. Preuve à l’appui de ce que revendique Charvolen lorsqu »il affirme que « l’œuvre achevée ne peut effacer ce d’où elle vient », les titres descriptifs qui attestent de la provenance de l’œuvre et documentent l’existence du modèle dans le temps, à l’image presque d’un recensement.

Jean-François Dubreuil, QQXL1, La Nouvelle République n°19923, 10/05/10,2010, 80×56 cm



À l’expression opportune de Jean-Claude Le Gouic devant les oeuvres de Dubreuil qui s’exclame « tout à voir, rien à lire ! », répond le propos de Charvolen au sujet de ses pièces qu’elles passent « d’une réalité structurée à une figuration non-ressemblante ». Mais face à ces oeuvres, notre regard ne s’attache-t-il pas avant tout à leur potentiel esthétique et à leur présence qui nous questionne ?

Né en 1946 à Tours (F), Jean-François Dubreuil vit et travaille à Paris. En 1975, avec un groupe de peintres, il participe à la création d’une galerie associative, la Galerie 30, qu’il codirigera jusqu’à sa fermeture en 1987 et où exposeront des artistes tels que Vera Molnar, Marcel Alocco, Pierrette Bloch. En 2015, il est invité à participer au colloque sur Les devenirs artistiques de l’information organisé par l’Université Paris 2. Bien représenté au sein de la Donation Albers-Honegger conservée à l’Espace de l’Art concret à Mouans-Sartoux (F), Jean-François Dubreuil est lauréat en 2016 du Prix Aurélie Nemours.

Jean-François Dubreuil, QABK5-5, San Francisco
Chronicle, 30/01/15, 2015, 64×34 cm

Il expose régulièrement en France et en Europe et est représenté en Suisse par la galerie St-Hilaire depuis 2013.
Une monographie retraçant son parcours par le critique d’art Jean-Marc Huitorel et riche de très nombreuses reproductions, est présentée en avant-première à l’occasion de l’exposition DOUBLE JEU. L’artiste est présent au vernissage le samedi 14 mai.

Max Charvolen (+ d’info ici) est né en 1946 à Cannes (F), où il vit et travaille, ainsi que dans les différents lieux où s’opèrent ses interventions artistiques. Formé à l’École d’art de Nice et à celle des Beaux-Arts et d’Architecture de Marseille, Charvolen a été, aux côtés d’artistes tels que Dolla et Viallat, membre du groupe INterVention (1968-1973) à l’origine de la création du mouvement d’avant-garde Supports/Surfaces et du Groupe 70 dont il fut l’un des fondateurs.

Max Charvolen, au Cannet-Rocheville, maison Sampère,
sol, mur, huisserie, N° 417,
2021, 116×58 cm

Exposé dès les années 1970 dans de nombreuses galeries, centres d’art et musées principalement en France, Charvolen a réalisé plusieurs projets d’ensembles s’attachant à une ville ou un lieu particulier. Citons notamment son ensemble de pièces sur les villes d’Avignon et de Vallauris, ainsi que sa réalisation monumentale issue de son intervention sur les ruines du Trésor des Marseillais à Delphes (GR) exposée en 2007 au Musée de Marseille, œuvre dont les dimensions finales sont de 30m x 10m.
Maintes publications rendent compte de son parcours, souvent décrit et analysé de manière privilégiée par le critique Raphaël Monticelli.




Exposition du 14 mai au 11 juin 2022
Galerie St-Hilaire
Rue des Alpes 32
1700 Fribourg, Suisse
https://galerie-st-hilaire.ch/