Extraits de notes d’hiver
7 décembre 2023
J’ai vu en photos d’immenses Bibliothèques, supposant de plus vastes réserves invisibles pour les visiteurs. J’ai vu dans les librairies et appris par les médias les abondantes parutions de « la rentrée”. Je me demande si publier encore est raisonnable…… En ne gardant qu’un exemplaire de tous les livres qui existent on pourrait probablement reconstruire dix murailles de Chine… Tu dis ? Davantage ?
Qu’en faire d’autre ? Certainement pas, même à Nice, un lion, un ours, un chien, une formule 1, des lampadaires, pas non plus des stations pour les tram, ni……Je ne sais pas quoi faire avec mes livres, sinon les lire et puis les ranger dans mes bibliothèques si je parviens encore à trouver de la place pour le cas où je pourrais les relire – ce qui a finalement été assez rare, pour le plaisir de les mieux lire à la lumière d’un peu plus de culture et de réflexion…… le temps, le temps qui manque toujours: il est très long de faire ce que je me suis permis pour Homère, la Bible, Dante, Proust, quelques poètes, quelques écrivains contemporains (ou aussi presque contemporains, la génération de mon père). Il parait qu’on met beaucoup de livres tout neufs au pilon, pour refaire du papier … et de nouveaux livres peut-être ?
29 décembre
Le cas Gérard Depardieu est occasion de révéler l’inculture profonde d’une majorité des gens, fussent-ils « diplômées » ou promues par la notoriété : ils arrivent à dire qu’il ne faut plus montrer les films « DE » Depardieu – tel que « Cyrano ». Hors « Cyrano » n’est pas un film DE Depardieu mais de Jean-Paul Rappeneau, le réalisateur, et surtout d’un Edmond Rostand qui en est fondamentalement le véritable AUTEUR.
L’acteur Depardieu n’est dans cette occasion qu’une bonne marionnette manipulée par Rostand avec Rappeneau en bon assistant.
31 décembre
Personne (surtout seul) ne peut décider et faire élever ou baisser le niveau de CULTURE. Le vrai fond (Certes l’augmentation des connaissances, mais surtout la réflexion sur les connaissances) s’est toujours élaboré « HORS CADRE » par des réseaux minoritaires.
« Être cultivé ce n’est pas seulement savoir, c’est avoir réfléchi son savoir. » (Peter Bluneig)
8 janvier 2024
Reprise à chaque occasion, la citation de la Beauvoir « On ne né pas femme, on le devient » me paraît un peu sotte : elle suppose que la femme soit un animal différent de l’homme. La vraie formulation devrait être : Nous « Homo Sapiens » ne naissons pas humains, nous le devenons. Nous devenons humains (plus ou moins) par la culture reçue dès la conception. Très vite l’embryon entend. Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’il « comprend », mais qu’il ressent, qu’il «déchiffre» les tonalités, la douceur ou la violence… À la naissance, il est d’abord humanisé par de degré d’humanisation de son entourage, et plus tard par les choix qu’il fait… Choix plus ou moins raisonnés en fonction de ses besoins, et de ses désirs, des voies ouvertes et des rencontres saisies au passage ou rejetées. Mais ce qui est rejeté par la raison laisse au présent vécu traces dans l’inconscient, parfois sans doute davantage actif que nous le pensons, que nous le voudrions. « Il n’est de liberté que conditionnelle… » écrivait Peter Bluneig.
11 janvier
Le Patri-matri-moine donnés par les créateurs, c’est leurs CRÉATIONS. En garder l’atelier ou le laboratoire à la condition qu’il soit tel qu’il FONCTIONNAIT peut avoir du sens. Préserver un lieu vide simplement parce qu’il y a été présent, est insignifiant. C’est être aussi connard que les connards qui paient une fortune pour une chemise ordinaire qui a été portée par le célèbre X. Pire que de l’idolâtrie. Je vois à l’entrée d’un immeuble une inscription signalant qu’un écrivain célèbre y a vécu trois mois au début du vingtième siècle. Ailleurs, l’officier Bonaparte a logé quelques mois… Ni l’un ni l’autre n’a laissé sur les lieux la moindre trace. N’est-ce pas stupide ?
17 janvier
Protestations contre la désignation de Sylvain Tesson comme parrain du « Printemps des poètes ». Les mêmes qui protestent acceptent d’être bien encadrés, avec un thème imposé. Cette année, « La grâce ». Comme si écrire un poème était un devoir un jour d’examen. Moi, esprit sans doute désorganisé, je ne sais ce que dit exactement le texte en écriture, création ou commentaire, que lorsque, élaboré, forme modelée à mesure que sont ajustés les bons mots remplacés souvent plusieurs fois par d’autres que j’estime mieux adaptés, je n’en sais le sens (autant qu’il est possible de le savoir) que lorsque, enfin sans ratures sur la page blanche, il est écrit. Car jusqu’au dernier mot tout le sens peut basculer.
L’événement donne des moyens ? Pourquoi ne pas les donner tous les ans directement aux auteurs, à ceux qui publient et diffusent aujourd’hui revues et recueils et que l’on désigne comme « petits éditeurs » quand « les gros », industrialisés, comme il se faisait jadis ne serait-ce que pour l’image et l’honneur de l’éditeur, n’ont même plus cette petite équipe souvent marginale et sans intérêt commercial, avec ses auteurs de prestige et quelques-uns qui commencent ainsi à exister ? Je crois me souvenir avoir lu qu’en 1960 « les Poètes », long poème de 214 pages de Louis Aragon, fut publié d’abord par Gallimard en 1000 ou 1500 exemplaires. Poète connu par le chant par quelques millions d’auditeurs dont très peu en avait lu au moins une page. Il est vrai qu’aujourd’hui les gros éditeurs cherchent d’un écrivain le livre qui fera impact au lieu de parier sur celui qui peut faire espérer la construction d’une œuvre.
Nathalie Silbert écrivait dans Les Echos, le 22 janvier 2021, un article intitulé « Les nouvelles voix de la poésie »,: « La poésie contemporaine reste en France une grande méconnue et rares sont ceux qui peuvent citer le nom d’un auteur du XXIe siècle. La faute sans doute aux médias qui en parlent peu et à l’enseignement toujours cantonné aux grands classiques. Et pourtant, la poésie d’aujourd’hui est bien vivante ! Très dynamique, animé par des centaines de petites maisons d’édition et une multitude d’événements, c’est un monde archipélisé avec des communautés qui souvent s’ignorent, parfois se critiquent et cultivent toutes un public de passionnés. « Chaque année, je reçois 700 recueils ! » s’exclame Florence Trocmé, qui suit l’actualité éditoriale au travers de son site Poezibao. Mais interrogez le milieu sur les voix contemporaines qui comptent, chacun cite des noms différents. »
Que pouvons-nous en conclure ?
17 janvier
Imitant Saint Augustin à propos de la définition du temps, l’ironique Peter Bluneig écrivait : « C’est quoi la poésie ? Si personne ne m’interroge, je le sais, si je veux répondre à cette question, je l’ignore. » Ainsi Peter Bluneig en déduit que « la poésie n’a pas de réalité : elle fait référence à tout ce que je sais du passé (qui n’est plus), à ce que j’imagine du futur (qui n’est pas encore) et de l’inconsistance du mot au présent qui s’efface à peine prononcé. »
21 Janvier
Les militaires ont signé un contrat par lequel il acceptent l’uniforme. Est-il légitime d’obliger des mineurs dont les parents n’ont pas les moyens de choisir l’établissement d’enseignement à porter des vêtements uniformes ?
Est-il raisonnable de faire porter les mêmes vêtements « uniformes » quand la température extérieure est à – 5 ou + 30 ?… Croyez-vous que dans le froid tous les élèves porteront le même manteau, le pareil foulard, les semblables chaussures ? Des lunettes, des coiffures identiques ? Qu’en pensent les enseignants ? Ils vous diront qu’à la troisième heure de cours ils sauront ce que cache l’uniforme, et les élèves le déduiront aussi : il se sera formé assez vite des proximités, des groupes qui se seront composés sur le modèle de ceux qui peuvent exister à l’extérieur des établissements.
Nous sommes bien dans une société du spectacle : tout pour l’apparence… Les militaires ont inventé le camouflage. « Ce n’est pas l’habit qui fait le moine » … Ce n’est pas le voile ou le turban qui font les musulmans, le port d’une croix qui fait les chrétiens, la kipa ou la perruque qui font les juifs… comme ce n’est pas le port d’un tailleur ou d’un costume-cravate qui fait l’honnête humain. Tous les humains naissent nus, mais d’être nés de ses parents, en un lieu, en un moment, ils sont déjà dans la différence.
28 février
Ce n’est pas une Ecole qui fait l’artiste. Les écoles donnent des outils, les diplômes, elles affirment l’acquisition d’outils… C’est l’individu qui se fait artiste, grâce à tout ce qu’il aura acquis et compris de la connaissance des vécus depuis sa naissance, bagage énorme à côté de l’enseignement reçu qui, au mieux, est une tentative d’organisation des connaissances. Une organisation qui le plus souvent devient une entrave, et pour quelques-uns sert d’outils de libération. Aujourd’hui en France beaucoup plus de diplômés qu’il y a cinquante ans pour prétendre être artistes ; mais pas plus de créateurs… qui noyés dans une foule plus dense et un système différent (théâtral, de diffusion publicitaire) sont plus difficiles à repérer. Je remarque que la critique universitaire persiste, mais elle ne peut travailler que sur des œuvres déjà bien développées, tandis que la critique de l’art vivant, en construction, qui n’était certes pas toujours perspicace, n’a guère de grands supports. Dans les années 60 existaient des publications comme Les Lettres Françaises ou le Figaro Littéraire et autres et tous les magazines hebdos avaient leurs critiques d’art… Les arts plastiques ne sont pas défendus et discutés, voire disputés, comme la littérature ou le cinéma. Il n’y a plus les grands « Salons » concurrents, invitations par des artistes, effacés par des Foires aux cimaises achetées (donc des marchés, le nom le dit bien) … L’Edition et le cinéma sont des « industries ». Les arts plastiques n’échappent pas au marché, mais sont plus difficile à contrôler : de nature artisanaux, les arts plastiques restent individualistes. (Même quand ils se présentent comme tendances ou « groupes ». Voir les Nouveaux-Réalistes : Klein, Arman, Tinguely, se révèle à l’analyse tellement différents…… sauf d’être dans le même temps.
18 mars
En France, il existerait près de 2000 prix littéraires décernés par des institutions publiques ou privées, des comités d’entreprise, des associations, des médiathèques, des fondations…
Selon Wikipédia, les ventes moyennes par livre primé seraient : Prix Goncourt (319 000) Prix Renaudot (194 000) Prix Goncourt des lycéens (131 000) Prix Femina (121 000) …
Le prix Goncourt est considéré comme étant de loin le plus important. Cependant, si je ne me trompe, un seul prix Goncourt a reçu le prix Nobel, comme pour le prix Médicis, tandis que trois lauréats du Renaudot ont été nobélisés. Les cinq au vingt-et-unième siècle. Qu’en déduire sur l’importance des prix ?
Et, parmi cette multitude, de nombreux prix sont réservés à la poésie, prix dont j’avoue avoir pour la majorité ignoré jusqu’à l’existence. Selon le « Centre pour la poésie » les principaux seraient, (qui sont ici précautionneusement classés dans l’ordre alphabétique) :
Grand prix de poésie de l’Académie française / Prix Amélie Murat / Prix Apollinaire / Prix CoPo / Prix François Coppée / Prix des Découvreurs / Prix Dante – cénacle européen / Prix de Poésie Léon-Paul Fargue / Prix international de littérature francophone Benjamin Fondane / Prix Robert Ganzo de Poésie / Prix Théophile Gautier de l’Académie française / Prix International de la Poésie francophone Yvan-Goll / Prix Goncourt de la Poésie Robert Sabatier / Prix Louis-Guillaume / Prix Bernard Heidsieck /Prix Heredia / Prix Poésie Max Jacob / Prix Henri Mondor / Prix Vénus Khoury-Ghata / Prix Roger-Kowalski / Prix de la Fondation Antoine et Marie-Hélène Labbé / Prix Louise Labé / Prix de La Crypte – Jean Lalaude / Prix Lire et faire lire / Prix Mallarmé / Prix de Poésie Pierrette Micheloud / Prix Maïse Ploquin-Caunan / Grand prix national de la poésie / Prix Paul-Quéré / Prix Nelly-Sachs / Prix Joël Sadeler / Grand Prix de la Société des Gens de Lettres / Prix Paul Verlaine / Prix Poésie de la Vocation…
Que pouvons-nous en conclure ?
19 mars
Il était certainement dans l’actualité de cet hiver sujets plus graves que ceux abordés ici. . Mais toutes les analyses intelligentes et beaucoup des plus sottes ont été dites et répétées en imprimés et sur les ondes en propos et en images. Les chaines (bien nommées) d’actualités permanentes se sont déchainées, en volume, beaucoup moins en contenus. Chaines en or, ou en argent, ou tout aussi solides en acier – parfois peu brillant métal rouillé de vieillesse. Je n’ai pas osé y ajouter mon incompétence… et mon inefficacité de petit citoyen ne représentant que 1/49 millionièmes des électeurs inscrits – qui je vous l’avoue n’est pas passé par Sciences-Po.
Trop souvent les intervenants mélangent le désir, la volonté et le possible : je désire, je veux, je peux sont des notions très différentes. Je vais y réfléchir, peut-être produire un livre de 554 Pages que je terminerai en 2034, le 18 mars à 18 h 33. Ce livre sera certainement plus intéressant que les dires artistiquo-politiques de Ben, le plus grand génie du quartier Saint-Pancrace à Nice.
Marcel Alocco