La revue COCKPIT et les ENQUÊTES
Le numéro 23 (mars.avril 2023) de la revue COCKPIT est entièrement consacré à la question : « Qu’est-ce que la poésie pour vous ? ». Au pifomètre, ou à vol d’oiseau (à cause du cockpit), j’évalue le nombre des réponses à environ 250… Question plus con, tu meurs. Sont nombreux les cons qu’ont répondu – dont moi-même, en première page : à cause de l’alphabet. Remarquez qu’en 1965 dans le n° 9 de la revue « identités » j’avais publié une enquête, question d’« En avoir ou pas » sur ceux que nous appelions « les petits éditeurs de poésie ». J’étais à la limite, mais n’en suis pas mort. Coup de chance, à cette époque un choc n’a brisé que mon talon ; tombé à l’envers j’aurais écrasé mon modeste cerveau. Et alors plouf, plus de poésie. Je bravai plus tard, en 1967 pour la revue Open, le « hasard objectif » (encore un beau sujet d’enquête – par les Surréalistes !) en interrogeant sur les galeries qui présentaient les avant-gardes du moment. En septembre 1922, (moi pas coupable, je n’étais pas encore né !) record dans le genre, une enquête posait dans la revue « Littérature » n°4 la question létale (bien que l’enquête des Surréalistes sur le suicide ne viendra que plus tard) : « Pourquoi écrivez-vous ? ». Comme si l’écriveur n’écrivait pas justement pour savoir pourquoi il écrit. Car s’il le savait il l’écrirait et n’aurait ensuite plus de raison d’écrire. D’accord, l’écriture n’est pas forcément raisonnable, et c’est justement ce que diront en 1924 les Dadas de 1922 devenus surréalistes. Donc encore une question conne. Bien sûr eux ont une excuse d’origine, ils ne sont encore que Dadas, le pire, seront bientôt surréalistes, est à venir. Bonne raison de n’être pas toujours rationnel, n’est-ce pas ? Le Grand Jeu titrent leurs copains sur la couve d’une autre revue… À Cockpit sont prudemment partiellement raisonnables. N’ont pas demandé : « Qu’est-ce que la poésie ? ». Ni dans un angle encore presque objectif « Qu’est-ce que la poésie selon vous ? » Ils disaient, très subjectivement, « pour » vous. Affirmation d’entrée que ce n’est pas pour un autre, ni surtout pas pour eux. Poésie pour toi seul, égoïste. Ce qui est un préjugé peu admissible. Nous avons tous un cœur. Enfin, un cœur qui bat. Pour l’autre, le tout grand, qui devrait vibrer, être plein de… de quoi ? Mais existe-t-il pour chacun ? Et s’il existe, quand il existe est-il partageable ? Nous pourrions poser la question pour une revue, question qui ne serait pas plus con qu’une autre. En attendant vous pouvez avoir dans la revue Cockpit environ 250 points de vue majoritairement pas ou mal d’accord avec le mien…
Que disent les enquêtés ? En général bottent en touche. Des réponses à décrypter, comme ?… un poème ? Laura Tinard (que je ne connais pas) répond : « Une fanfare qui sait se taire ». Cette fanfare, madame, se nomme John Cage. Le compositeur qui a su écrire la partition 4’ 33’’ pour piano, en trois mouvements « tacet », quatre minutes trente-trois de silence… Hélas ! (ou heureusement) les auditeurs s’entendent respirer ! Saint-Augustin (que je n’ai pas connu) à la question « qu’est-ce que le temps ? » avait répondu : « Si personne ne m’interroge, je le sais ; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. » J’oserai donc comme Augustin (sans me prétendre saint ou poète, quoi que…) répondre pour la poésie, que nenni, je ne sais dire…
En post-scriptum passons aux aveux : Dans le n°3 de la revue « identités » (décembre 1962) j’ai publié un long article intitulé « Poésie n’est pas ». Effet « Le Livre » de Stéphane Mallarmé ? Plus que botter en touche. Je tirai carrément hors du terrain, au-delà des tribunes. J’avais raison, mais fallait pas le dire.
Faudra qu’un jour prochain j’aie le courage de me relire !
Marcel ALOCCO
COCKPIT
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