Relations interdites
Prisonniers de guerre français et femmes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale
Il s’agit d’une monographie tirée d’une thèse réalisée en cotutelle entre l’Université d’Aix-Marseille et l’Université de Tübingen. Il s’agit d’un travail universitaire très détaillé (en 280 pages) qui s’appuie donc sur des enquêtes et des documents : rares entretiens avec les personnes concernées, témoignages des descendants, récits, lettres, photos, documentations, les lois et règles et leurs applications d’après les dossiers des tribunaux nazis. Globalement, histoire et description des mœurs dans le vécu des relations sociales où les cas de réprobation morale ordinaires sont en cette époque renforcés et rigidifiés légalement par l’idéologie nazie.
Quand « près de 18 millions de soldats allemands sont mobilisés tout au long de la guerre » par nécessité du fonctionnement de l’économie « 13 millions de travailleurs étrangers sont présents sur le territoire du Reich ». « Une législation spécifique » est édictée, « destinée à protéger la population allemande, dont un décret relatif aux relations avec des prisonniers de guerre. » « Environ 14000 prisonniers de guerre français sont impliqués dans une affaire judiciaire concernant une relation interdite avec une femme allemande entre 1940 et 1945. Les types de contacts incriminés sont variés : échanges de denrées alimentaires, discussions, partage d’intimité. » Ces actes sont « perçus comme un affront aux idées raciales du Reich ou portant atteinte aux mœurs allemandes ». Dans chaque cas les conditions pratiques et les motivations sont variables. Du nécessaire pratique au total engagement affectif, toutes les variantes du comportement humain sont mises en jeu, comme dans chacune des sociétés européennes de l’époque, mais avec des contraintes renforcées par l’idéologie raciste des nazis affichée et légiférée, (les français ne sont pas des aryens !) et l’influence psychologique de l’état de guerre dans ces rapports entre femmes des vainqueurs avec les vaincus prisonniers. Les comportements individuels rendent très complexes le fonctionnement de l’énorme machine étatique.
Le regard sur l’apport factuel de Gwendoline Cicottini met aussi en lumière une lecture des problèmes influencée par les pensées et débats actuels. Les titres des chapitres indiquent le plan et les thèmes de la thèse :
I – Du morceau de pain à l’alcôve.
II – Des corps rebelles : la sexualité des femmes allemandes.
III – Les captifs français en territoire ennemi. Contrôler et punir.
IV – La sexualité à l’épreuve du genre dans la guerre.
V – Et après la guerre ? L’ombres des amours passées.
En conclusion : Les relations interdites ou les failles du nazisme.
Gwendoline CICOTTINI
Relations interdites Prisonniers de guerre français et femmes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale (Éditions de la Maison des Sciences et de l’homme, 2024)