Opinion

Pour la reconnaissance du « droit de présentation publique »

Depuis 55 ans, la présentation au public d’œuvres artistiques et de l’esprit est encadrée par un article du Code de Propriété Intellectuelle : le droit de présentation publique. Celui-ci s’applique à toutes les formes de productions artistiques, toutefois, cette la loi est loin d’être appliquée partout. Les artistes de la scène en bénéficient régulièrement, pourquoi, dès lors, avoir exclu les plasticiens dans son application ? Si les sociétés d’auteurs, fédérations et syndicats d’artistes et une poignée d’élus et de juristes ont fait avancer le débat, il est temps pour les artistes de défendre leur droit. Alors, que dit exactement ce droit de « présentation publique » Inscrit au CPI ?

Pourtant, que dit exactement ce droit de « présentation publique » Inscrit au CPI ?

Il protège les auteurs (y compris les plasticiens) lors de la présentation au public de leurs œuvres. L’art. L.122-2 du CPI définit le cadre, l’art. L.122-4 les atteintes ou violations et l’art. L.131-4 les modes de rémunérations et de cessions. Ce droit d’auteur fait partie des droits d’exploitations des œuvres au même titre que le droit de reproduction, qui, lui, en général, est appliqué. La présentation au public d’une œuvre est une exploitation de celle-ci. L’organisme exposant en tire une forme de profit, qu’il s’agisse d’argent, de communication, de visibilité politique, ou de tout autre bénéfice immatériel. « Il faut donc cesser de croire (ou de nous faire croire) que les institutions ou les entreprises n’exposent les artistes que par gentillesse ou philanthropie » estime Bruno Charzat qui ajoute : Il faut aussi expliquer aux artistes réticents ou sceptiques que l’application de ce droit aura finalement des effets sur la reconnaissance de leur travail et de leur statut. Cette démarche peut être rendue plus simple si les artistes rejoignent les sociétés d’auteurs (ADAGP, SAIF etc.).

Coup de gueule

Jour de mariage, les bans ont été publiés à grands renforts d’imprimerie, d’internet, de presse et parfois même de télévision ; on a passé commande au traiteur, la maison fourmille de personnel, coordonné par un(e) majordome rompue à l’exercice. Le marié s’avance dans la foule et voilà, à l’heure dite on commence. La fête durera bien quinze jours, ou plus. Il n’y ni marié(e) ni conjoint(e) ? Qu’importe, du moment que les invités s’amusent !

C’est à peu près l’expérience que font les artistes plasticiens à leurs vernissages : tout le monde se presse pour regarder leurs œuvres, mais alors qu’ils fournissent du travail à des administratifs, à des entreprises et des fournisseurs, ce sont souvent les seuls à ne pas être rémunérés. Très rares aujourd’hui sont effectivement les expositions rétribuées telles que la loi le prévoit dans les lieux d’art non commerciaux. Faites venir le plombier, l’installateur de gaz, la liseuse de bonne aventure, vous sortirez votre portefeuille ; faites venir un artiste (non, pas un chanteur ou une danseuse) mais un peintre, un performeur ou un photographe, et c’est le père Noël qui ressuscite !

Artistes, faites reconnaître ce droit en téléchargeant ce badge ! C’est la photo d’un père Noel prise dans l’aquarium d’Osaka en décembre 2009 par le plasticien photographe Gabriel Fabre. Portez-le lors de vos vernissages lorsque les lieux qui reçoivent vos expositions ne respectent pas le droit de présentation. Les questions ne devraient pas tarder, ne restera alors qu’à engager la discussion…

L’état du débat

Bien que l’expertise commandée par le Ministère de Culture à M. Serge Kancel, en 2004, n’ait toujours pas livré ses conclusions sur le projet d’application, le droit de présentation progresse.

Dans le sillage des auditions du rapporteur précité, Michel Vauzelle, président de la région PACA, répondait au courrier de la FRAAP (Fédération des Réseaux et Associations d’Artistes Plasticiens)[…]Quant au droit de présentation publique, je déplore que les dispositifs en application pour la majorité des créateurs et des interprètes excluent bien souvent, dans la réalité, les artistes plasticiens. Il me semble tout à fait légitime que ces artistes bénéficient des mêmes droits que les artistes du spectacle vivant. C’est donc très volontiers que je prends l’engagement de faire respecter ce droit de présentation publique dans les sites qui dépendent directement de l’institution régionale. […]

En avril 2012 réponse de François Hollande aux sollicitations du Syndicat National des Artistes Plasticiens, le SNAP-CGT « Je sais que la situation des artistes plasticiens est particulièrement difficile et qu’ils se trouvent le plus souvent seuls et sans appuis ayant des difficultés à faire appliquer le droit de présentation publique. Ce droit doit être appliqué et par conséquent la présentation publique rémunérée, sauf accord explicite entre artistes et organisateurs des manifestations. » Un sauf accord prudent, mais qui souligne certaines avancées. Cette même année 2012, le Conseil général des Côtes d’Armor s’est engagé dans une brochure à « systématiser le droit de monstration ».

Jurisprudence

Après de nombreuses controverses juridiques et de refus d’appliquer les dispositions légales au titre des expositions, la Cour de Cassation, par deux décisions en date du 6 novembre 2002, a mis fin au débat en reconnaissant expressément « que l’exposition au public d’une œuvre photographique en constitue une communication au sens de l’article L.122-2 et requiert, en conséquence, l’accord préalable de son auteur ».

Cette information est précisée dans Le livre blanc pour la relance de la politique culturelle qui a réuni pas moins de 20 syndicats, sociétés d’auteurs et autres associations de défenses de intérêts des auteurs (toutes disciplines confondues). Ce pavé de 295 pages datant de février 2007 s’ouvre par cette phrase sans détour : « depuis 15 ans, les réformes de la propriété intellectuelle ont abouti principalement à protéger les intérêts des investisseurs dans le domaine de la production ou de la diffusion des « produits culturels ».

Le collectif estime qu’ il est urgent de mettre un terme à cette situation de la manière suivante :

– rendre obligatoire la rémunération des auteurs à l’occasion des présentations publiques, à l’exception toutefois de celles rendues nécessaires pour les ventes de leurs œuvres (salons et foires, galeries, ventes aux enchères…)

– instaurer une gestion collective pour la perception et la répartition de cette rémunération.

Les auteurs du livre blanc estimant qu’il est urgent de légiférer pour asseoir le droit de présentation public ont établi une proposition d’amendement au Code de la propriété intellectuelle, pour instaurer un régime de licence collective étendue et un régime de gestion collective obligatoire dans le domaine de la présentation publique d’œuvres des arts plastiques et graphiques.

Plus d’infos

http://bat8.inria.fr/~lang/orphan/documents/france/LivreblancCPRC.pdf

En pratique

La SAIF (Société des Auteurs de l’Image Fixe) diffuse à ses adhérents un barème qui affiche une fourchette de prix de 8 à 207 € par œuvre selon la durée, le lieu, le nombre et les conditions d’entrée des expositions (gratuite ou payante). A partir de 20 € par œuvre pour une durée de location d’une semaine et pour une petite exposition de 1 à 4 œuvres, les structures équipées de cimaises n’auraient pourtant pas de quoi se sentir gênées devant leur comptable. Mais ces budgets, dont le droit et les barèmes sont insuffisamment connus, restent malheureusement aux oubliettes.

Si une application totale et uniforme du droit de présentation dans tous les cadres définis par la loi relève de la fiction dans le contexte actuel, sa prise en compte ponctuelle par des structures sensibles à leur propre cohérence sera un acte clé contre la paupérisation du milieu artistique. Les sommes modestes, cumulées, justifient l’engagement et le statut professionnel des artistes. Elles confortent la valeur de l’acte créateur qui a largement contribué à l’économie française, premier pays touristique du monde, réputé pour sa culture.

GF

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