Brèves de lecture

Niki de Saint Phalle MON SECRET, La Différence 2017

« Mon secret » est un joli livre, qui reproduit à l’identique de la première publication le manuscrit tel qu’il fut donné en 1994 à La Différence. Il s’agit d’un court récit dont le propos est aussi direct que naïf. Tracée d’une main qui pourrait être enfantine, l’écriture ne ressemble pas à celle bien structurée et rigide des bons élèves anglo-saxons du milieu du XX° siècle.

On y retrouve cependant traces d’une enfance N.Y.C. : par exemple lorsqu’elle écrit « addresse » , compromis entre l’ « address » anglais et l’ « adresse » du français. L’écriture, le langage et la pensée s’accordent dans une subjectivité probablement totalement sincère. N’attendez pas dans ce texte une étude clinique du viol des enfants par le père, violence dont il est question dans ce « secret » révélé par Niki de Saint Phalle. Vous y retrouverez, bien symptomatique d’une époque, l’image schématique des visions des victimes opposées aux propos convenus de « la bonne société ». D’abord la victime accuse les psychiatres de se conduire en complice du père. Notons que si Jacques Lacan est cité comme l’un des rares à prendre la défense de Niki lorsqu’elle s’exprime par un film (Daddy), il est question toujours de psychiatres, jamais de psychanalystes, lesquels devraient déjà avoir à penser de ce que née Catherine-Marie-Agnès Fal de Saint Phalle l’artiste enlève, garde, ou ajoute de ses noms et prénoms d’origine.

« Tous les hommes sont des violeurs » ou « J’avais compris que tout ce qu’on m’enseignait était faux » : Niki de Saint Phalle fait court avec des formules absolues qui indiquent sans doute la persistance d’une souffrance aux origines plus complexes, à laquelle elle attribue une source unique, décisive certes, mais aggravée semble-t-il par le contexte. Il s’agit de l’évidence et de l’incertitude propre aux témoignages pour lesquels les mots s’ajustent mal. Cependant l’œuvre de Niki de Saint Phalle avec ses diverses facettes, ce qu’il nous reste et intéresse en fin de compte, en dit probablement davantage sur la personne de l’artiste que cet écrit abrupt.

Marcel Alocco