Brèves de lecture

Le philosophe amoureux par Marc Bélit

Philosophe, Marc Bélit est bien connu pour ses écrits politiques, et polémiques, sur les questions culturelles, évoqués déjà dans ces colonnes, mais aujourd’hui il présente un roman, néanmoins philosophique, en manière de rester fidèle à son essence originelle.

Le récit tourne autour de quatre personnages (et quelques insolites figures secondaires): le professeur de philosophie, spécialiste de Descartes, vaguement glorieux mandarin à l’ancienne, son épouse propriétaire de vignobles, sa jeune élève et maîtresse roumaine, et son amant étudiant italien perpétuant quelques illusions politiques, avec en trame de fond les rocambolesques tribulations du crâne de Descartes. Inutile de dévoiler plus avant l’intrigue, mais on comprend qu’elle se nouera dans la prégnance «des passions de l’âme» du grand ancêtre. Ce quatuor, allusion aussi au Goethe des « affinités électives » comme le souligne Jean-Didier Vincent, petit monde d’avant et désormais finissant (le nôtre), décrit avec une douce ironie, sans nostalgie ni complaisance, avec ses égoïsmes, ses lâchetés, ses grandeurs également.

L’auteur nous dit cette fin du XXème siècle, incertaine et désenchantée, mais où se cultive pourtant encore une espérance de finir en beauté.

Réflexion sensible sur le vivre d’une époque, ce livre, sans paraître, aborde les essentielles questions humaines, la mort, l’amour, la relation sociale, avec une profondeur légère; dans les interstices du récit, la richesse d’une culture rajoute cette tonalité particulière, révision et bilan d’un primordial constitutif.

Conte moral, pourrait-on dire, en débarrassant l’expression de ses connotations sentencieuses, au sens plutôt que lui donnait Éric Rohmer, une observation raffinée des comportements, un style d’être au monde.

La distance d’une expérience du savoir, qui caractérise Marc Bélit, le situe en observateur d’un milieu qu’il connaît bien et il organise la mise en scène de sa fiction comme un anthropologue, avec l’exigence littéraire de ceux que la lecture élève.

Construite par scènes, lieux, personnages, la composition fait oublier sa sophistication par sa fluidité, dans une écriture à la fois dense et élégante, discrète, sans éclats

Cette évocation de la philosophie de Descartes « en effets » dans la conduite des personnages et dont l’ombre plane non seulement dans les jeux de rencontres de situations à trois siècles d’intervalles, mais encore dans cet esprit réflectif et méditatif, qui distingue le philosophe français..

Et, ici, le plaisir de l’intelligence, tranche avec cette pléthorique production saisonnière de platitudes emphatiques.

Alain Lestié

Le philosophe amoureux par Marc Bélit

éditions Odile Jacob