Brèves de lecture

CONversations de Jorge Bernstein Avec la featuration de Fabcaro

Avec CONversations, le duo s’attaque aux « brouteurs », ces escrocs du web qui tentent par tous les moyens d’extorquer de l’argent via les réseaux sociaux, en prenant l’apparence séduisante d’une jeune femme esseulée. CONversations est un recueil de ces dialogues sans queue ni tête.

J’avoue n’avoir pas tout compris. Faut dire que n’ayant à l’école appris ni latin ni grec, dans les langues étranges j’erre. Devant une machine sans roues dentées comme avait le beau réveil matin de mon enfance, je me sens dépassé. Dès qu’il est question de l’ordinateur qui « défèque niouvze » (c’est quoi ça ?) qui chope des « vis russes » comme nous chaque hiver avec nos grippes espagnoles, asiatiques, toujours venues d’ailleurs et à contre-sens des hirondelles, que c’est l’ordi qui est malade et moi qui ai la fièvre… On me cause souvent de « Fessebouc » et de « Touïter », mecs très actifs il semblerait mais que je n’ai jamais rencontrés, que personne jamais ne m’a présentés. Et puis il est question de brouteurs. Brouteurs ? Comme Perette je voyais en brouteurs plutôt moutons, vaches… ou cochons et cochonnes pourquoi pas. Je suis un grand naïf. Quand j’ouvre mon ordinateur (avec lequel j’ai des relations… distantes) qu’une dame (ce qu’elle se dit et parfois s’affiche être) que je ne connais pas, (ou bien je l’ai oubliée ?) me demande « Comment tu vas ? », comme j’ai presque autant d’humour que Bernstein, pas le compositeur-chef-d’orchestre-pianiste-américain, pas le Leonard que vous connaissez, l’autre, que vous allez connaître, je réponds : « à pieds ».

En général elles ne comprennent pas qu’il est surtout question de mon pied gauche sur lequel je me suis levé, elles insistent. Je viens à l’instant d’apprendre, (suis-je inculte à ce point ?) que ce sont des « brouteuses ». Elles veulent que je leur envoie des PCS. Qu’es aco ? Quand j’étais en fac, à peine quelques années après le milieu du siècle dernier, aucun prof ne m’a enseigné les PCS qui semblent aujourd’hui valoir 150 €, ils nous apprenaient plutôt à lire Henri Bergson (Le rire) ou Baruch Spinoza (moins rigolard.) Les profs n’enseignaient pas à faire des saisies d’écrans, comme joue à faire, en noir, en bleu, et d’un blanc un peu gris, notre Bernstein, (Jorge, pas celui qui était limité, le pauvre, aux noires et blanches de son piano). Et, heureuses circonstances, j’ai cru saisir que les saisies d’écrans du bouquin sont beaucoup plus drôles que des saisies d’huissiers. Pas serviable, le Jorge : ne cède pas aux charmes de la dame au prétexte qu’étant humoriste il peut s’autoriser à lui dire « L’humour m’a passé la blague au doigt, pour le meilleur et pour le pire. » Pour le pire, il n’a pas à se casser la tête, car ses interlocutrices y vont furieusement. Elles l’interpelaient pour le faire marcher et tant pis, dans leurs textes, pour l’orthogaffe : et puis, comme il va un peu trop vite pour elles, elles ne marchent pas — elles courent. Fabcaro, le complice, à lui pas à elles… encore que… illustre en jaune un dialogue qui commente (ou exploite ?) en méta-iconographie (t’es sûr que ça existe ?) ce qui se passe sur les autres pages.

Interrogé je suppose par la commissaire Adamsberg de Vargas égaré (comme toujours) dans cette histoire, Jorge Bernstein s’explique : «Par le biais de Facebook ou de Twitter, sur ces quatre dernières années, j’ai été régulièrement sollicité, comme tant d’autres, par des brouteurs qui inondent sporadiquement les réseaux sociaux dans le seul but d’extorquer de l’argent ou d’usurper des identités. Mais à la différence de 99,9 % des personnes sensées, je me suis amusé à leur répondre. Aussi absurdes que soient ces échanges, ils sont authentiques. Rien n’a été modifié, à commencer par les fautes d’orthographes et de syntaxe de mes interlocuteurs. Par souci d’équité, je n’ai pas non plus corrigé mes erreurs et mes coquilles. »

Contrairement aux «livres de poche» toujours trop grands pour mes petites poches, ce livre format 17×12 cm donc de versation facile dans la poche (Versation, du verbe verser, ça se dit ?) peut m’accompagner dans mes nombreux déplacements non-numériques, car je ne vais pas seulement d’écran en écran. Un conseil ? À ne pas le lire dans le bus : Rire seul en public peut être très mal interprété.

Marcel Alocco

CONversations de Jorge Bernstein

Avec la featuration de Fabcaro

Les éditions Rouquemoute,

Barbemout, 25 rue Louise Michel, 44400 Rezé.