Brèves de lecture

L’amour du jazz

«Le présent livre n’est pas un manuel de jazz au sens traditionnel (ni une nouvelle histoire de ce dernier, ni un répertoire de ses musiciens, ni quelque essai sociologique, etc.), mais se veut plutôt une sorte de parcours, illustré d’exemples, de ce qui, dans le vaste univers de cette musique, me la fait aimer – ainsi que d’autres amateurs, je l’espère.»

L’auteur nous prévient d’entrée, dans son Précis, sur l’intention de son ouvrage L’amour du jazz 1-Portées 1

Jean-Pierre Moussaron est d’abord un passionné ; de jazz, les amateurs le savent déjà 2, mais aussi de littérature, de cinéma, de poésie, de philosophie et de peinture ayant montré au long de maints volumes la pertinence et la singularité de sa réflexion 3.

Un érudit chaleureux dont la générosité de poète le mène à partager son savoir et ses enthousiasmes, souvent en s’effaçant derrière eux pour mieux en révéler l’essence.

L’amour du jazz est rythmé par ce qu’il appelle des chapitres-enseignes dont l’énumération de quelques titres annonce le ton ; exemples, dans le désordre de la mémoire : folie ; force de disruption ;surrection du corps ; passion de la vitesse ; œuvre du temps ou, vers la fin, incantation du désir ;l’impact de l’instant.

Le jazz est remis ici dans sa dignité la plus haute, musique d’une pensée d’être au monde. Jean-Pierre Moussaron en fait entendre les résonances d’une esthétique poétique, éthique et politique pour y révéler encore un sens de l’art. Dans une quête incessante, il poursuit un travail obstiné de passages, de passeur, de liaisons, de l’essentiel, et le n° 1 du titre suppose évidemment une suite à venir, chantier infini additionné à d’autres, et encore à d’autres, pour composer une œuvre. Une phrase de son « envoi » résume la nature de son projet : « Comme tout art, le jazz donne à penser. Soit : le singulier dans le collectif, la vie en revers de la mort, le sujet déporté, le corps dansant, le cœur battant, le silence encore et, surtout, l’imprévisible qui surgit en nous autant que hors de nous »

Cet hymne à la musique, réflexion sur l’art, sonne en un long poème en prose, recouvert par la richesse de l’appareil documentaire, mais dont la poésie sourd à chaque instant. Célébration de l’énergie créatrice, de la tragédie qui s’y joue en contrepoint, célébration d’une rigueur de la recherche d’une justesse d’être, dans l’autorité d’un style à la fois compliqué et fiévreux, maîtrisé et lyrique qui caractérise l’auteur. Travail exigeant qui exige aussi l’attention du lecteur, l’excellence se mérite.

par Alain Lestié


1 « L’amour du jazz 1-Portées » éditions Galilée 2009

2 « Feu le free? Et autres écrits sur le jazz » éditions Belin 1990

3 Le lecteur curieux lira avec intérêt ses deux volumes de « Limites des Beaux-Arts. 1.À défaut—la littérature et 2. Arts et philosophie mêlés » éditions Galilée (1999 et 2002)