Spectacles

ANTHEA – MACBETH de Verdi – Mise en scène de Daniel Benoin

Après trois oeuvres de Mozart et Da Ponte, montées à l’Opéra de Nice et à Anthéa : « Les Noces de Figaro », « Don Giovanni » et « Cosi Fan Tutte », c’est à Verdi que Daniel Benoin s’attaque avec à nouveau une trilogie : « Macbeth » cette année, « Falstaff » programmé la saison prochaine, puis viendra « Othello ».

« Macbeth » commence par d’insolites images vidéo de Paulo Correia sur les tranchées de la guerre de 14-18, projetées durant le prélude de Verdi, avant de découvrir un décor de maisons en briques. Nous sommes en Ecosse et les femmes ont pris le pouvoir pendant que les hommes guerroyaient. Cette évolution de la place des femmes dans la société, Daniel Benoin la souligne dans chacune de ses mises en scène. Dans cet opéra délirant, il s’est davantage attaché à l’oeuvre de Verdi plutôt qu’à la pièce de Shakespeare dont c’est l’adaptation.

©D. Jaussein -Opéra Nice Côte d’Azur

Ici, pas de sorcières dans la lande, mais des femmes « voyantes » qui lancent des prédictions à Macbeth : il sera Roi d’Ecosse. Son épouse s’en empare pour le pousser à s’accaparer du pouvoir suprême. Le livret de Francesco Maria Piave prend ainsi une dimension sociale très actuelle et l’on découvre comment, manipulé par son épouse, un vaillant guerrier devient un tyran sanguinaire.

D’une noirceur anthracite, Lady Macbeth sent le soufre. Elle électrise une ambiance délétère et fruste, sous une musique franchement descriptive. Dans son ingénieuse entreprise de moderniser l’oeuvre, la mise en scène de Daniel Benoin en rajoute dans la violence et l’incroyable tension érotique qui parcourt l’Opéra de Verdi, l’une des plus grandes oeuvres du compositeur. En étant d’une importance décisive pour l’évolution de ses conceptions musicales, elle semble cependant moins réussie sur le plan dramatique, même si la monstruosité des personnages et l’ampleur de l’horreur évoquent Shakespeare, ce qui est bien naturel !

Par l’originalité et l’audace de sa mise en scène, Daniel Benoin lui a donné toute son ampleur sur la soif d’un pouvoir qui rend fou. C’est un « Macbeth » où l’on voit le couple maudit basculer dans la folie et les cadavres joncher le plateau. La Première Guerre Mondiale est connue pour avoir été un carnage, y faire référence est astucieux.

©D. Jaussein -Opéra Nice Côte d’Azur

La multiplication de batailles, de crimes, de boue et de sang qui se succèdent donne de l’ampleur au spectacle. Le rouge des meurtres ne manque pas de grandeur. Aidé par sa force, sa carrure et sa voix de baryton, Dalibor Jenis rend émouvant son personnage de tyran victime de ses propres faiblesses qui est devenu Roi par procuration et tyran par obligation. Son innocence perdue après l’assassinat de son souverain, il se précipite donc vers un bain de sang qui le dépasse et devient à la fois grandiose et dérisoire, épouvantable et épouvanté. Victime d’un destin plus grand que lui, il agit sans penser sans se contrôler dans une transgression sans fin. Il est une pure brute que manipule sa Lady.

Quand Lady Macbeth réalise toute l’horreur dont elle est coupable, elle devient somnambule et erre sans répit tout en voyant une tache de sang sur ces mains. Une tache qu’elle ne peut ôter même si elle la frotte encore et encore… « Tous les parfums de l’Arabie ne pourraient purifier cette main », clame-t-elle. L’ampleur de la voix de la soprano Silvia Dalla Benetta donne toute la noire majesté à cette épouse manipulatrice et arriviste dont le repentir tardif devient un cauchemar sans fin.

Il y a beaucoup de monde sur scène et les choristes se multiplient dans diverses situations où la mise en place de chacun à son importance pour suivre au mieux l’accompagnement de l’orchestre dirigé par Daniele Callegari.

©D. Jaussein -Opéra Nice Côte d’Azur

Tout est réussi !dans cette mise en scène. Qu’ils soient en extérieur ou en intérieur, les décors de Jean-Pierre Laporte sont magnifiques, en étant complétés par d’ingénieux éclairages conçus par Daniel Benoin lui-même. Les costumes de Nathalie Bérard-Benoin sont également une grande réussite, aussi bien dans leur austérité pour les ouvrières que dans leur éclat pour les tenues d’apparat.

En bref, « Macbeth » est un spectacle parfait, à voir et à entendre !

Caroline Boudet-Lefort