Opinion

Lettre ouverte

Lettre ouverte aux responsables culturels de Jean Mas

et

Lettre de Marcel Alocco à Jean Mas, en son lointain exil de

Roquefort-les-Pins

Lettre ouverte aux responsables culturels
Novembre 2009


Billet d’humeur « Salle Ecole de Nice, Musée mobile Beaubourg »

Messieurs,

La salle Ecole de Nice du M.A.M.A.C. n’est plus représentative du-dit mouvement.

Amputée d’un tiers par des fonds de bouteilles, écrasée par la surdimensionnée boutique de Ben (1), la salle se trouve engoncée par un « A propos de Nice » d’une expo inaugurale de Beaubourg en 1977. Il n’empêche que si cette référence historique doit être conservée, son à propos doit être reconsidéré !

Beaubourg qui a la prétention de se faire « entendre dans nos campagnes … » par son annexe de musée itinérant. Prétention d’un parisianisme (parasitisme) qui va vers le peuple, culturalisme en goguette en quête de missionnarisme.

Non ! ils ne passeront pas, nous irons pisser sur vos traces irriguant ainsi l’offre culturelle (2).

Reconsidérer l’articulation de la salle « Ecole de Nice » avec les œuvres exposées par ailleurs (dans d’autres salles) : elle se doit de présenter son entité d’expression indépendamment de la seule référence au tas de ferraille prétentieux (Beaubourg) . Repenser au regard des composants historiques une nouvelle disposition de l’école me paraît aujourd’hui indispensable pour en clarifier la lecture.

A l’issu de quelques sondages auprès de diverses personnes, il apparaît souhaitable de substituer la salle par «L’ETAGE ECOLE DE NICE». Ainsi, un niveau du musée permettrait de mieux aborder les différentes tendances du mouvement. Plus de 300 signatures sont prêtes ce jour… !

Offrir au monde, aux visiteurs, une approche digne de nos travaux, OUI !

Jean Mas

Suggestions : 1/ Mettre des roulettes sous la tour Effel pour faire le tour des campagnes (trois ans à raison de 4km/heure).

2/ Me consulter avant toutes initiatives de cet ordre !

(1) Un « peu » de jalousie, mais quand même…trop de place : faire une maquette, vendre le reste en morceaux !
(2) In : Le Monde du 7 nov. 09 « Le centre Pompidou à la conquête des villages » : les œuvres présentées ne sont pas « en cause », mais l’arrogance institutionnelle.



Lettre de Marcel Alocco
à Jean Mas, en son lointain exil de Roquefort-les-Pins.

Nice, le 24 novembre 2009

Mon cher Jean,

Je viens de recevoir ta lettre « ouverte » à propos de l’Ecole de Nice, et je m’étonne que cette idée si simple et si magnifique, d’exposer la Tour Eiffel dans la France profonde des campagnes provinciales à la vitesse de 4 km/h durant trois ans, n’ait jamais germé dans le bureau de l’un de nos brillants et nombreux ministres de la Culture. Projet auquel l’autre ministre concerné (celui de l’AGRIculture) ne pourrait qu’apporter sa part de subvention. Il y aurait peut-être quelques problèmes pour atteindre Clermont ou Grenoble… mais ce n’est que détails. Elle serait, en été dans notre splendide soleil, du plus bel effet à Rauba-capeu, ou sur la colline du Château. Nous ferions, comme d’habitude, du choix du lieu une grande querelle bien couleur locale. Et puis, « Vive l’Europe !» sacrebleu ! Ne nous limitons pas à nos campagnes ! Il pourrait ensuite, pour valoriser et rentabiliser l’initiative, être envisagés des prêts, à Londres et à Milan – après quelques légers travaux d’aménagement des tunnels sous la Manche et sous le Mont Blanc. Nous pourrions après envisager Dubaï, et puis New York, Tokyo… Il y aurait bien sûr au troisième étage de la Tour une exposition Ecole de Nice.

Pour ce qui est de la modeste salle de l’Ecole de Nice au Mamac, j’ai dès l’origine suggéré une porosité avec l’ensemble de l’accrochage permanent. Il serait bien que soient disposés en continu sur le même étage de part et d’autre d’une salle centrale proprement niçoise, des ensembles Fluxus, Nouveaux Réalistes, Peinture analytique et critique… Mais l’architecture du musée (autre tas de ferrailles) ayant sacrifié aux fantasmes des architectes (ou au budget limité ?) a Kleiniennement laissé au vide l’espace central, abandonnant ainsi des surfaces exactement équivalentes à celles du Théâtre de Nice, ce qui a restreint considérablement les possibilités de l’accrochage muséal. Nice pourrait-elle réclamer que le Centre Pompidou monté sur roulettes nous soit livré, vide, sur la place Masséna ? Le jardin Albert 1er avec son arc de Venet ferait un parvis très convenable, et autre avantage sur Paris, nous n’aurions pas besoin d’un pot, même doré, nos plantes étant déjà en pleine terre. Notre Beaubourg en serait mieux « développement durable » qu’en la Capitale.

Pour ce qui est de l’exposition « A propos de Nice », programmée par Ponthus Hulten pour l’inauguration de Beaubourg en 1977, je t’accorde qu’elle n’est pas référence totalement satisfaisante. J’aurais arrêté l’Ecole de Nice historique deux ou trois années plus tôt. Ce qui, finalement, n’aurait pas changé grand-chose.

Nous pouvons rêver d’un vaste lieu où serait mise en place une expo de l’Ecole de Nice enrichie de son contexte, œuvres et documents concernant les artistes qui venaient à nous pour un temps ou avec lesquels nous avions des liens de travail à cette époque où l’ébullition était dans les ateliers plus que dans les artifices des marchés.

En attendant, faisons avec ce que nous avons  – avant qu’une crue millénaire du Paillon n’emporte tous nos édifices culturels dans la Baie des Anges. Je te sais gré qu’en toute modestie tu ne réclames pas tout ce qui de l’étage déborde de la salle Ecole de Nice afin d’y accrocher tes œuvres. J’ai constaté en effet lors d’une visite, la présence des « fonds de bouteilles » que tu signales, mais surtout les absences de deux ou artistes dont les œuvres ont été retirées de l’accrochage. Mais sans doute n’est-ce que provisoire : j’ai eu la bonne surprise de retrouver le tondo aux paillettes de Robert Malaval accroché dans la rétrospective que présentait ces derniers mois le Musée d’Angers. Cette pièce, l’exposition terminée reviendra donc à Nice, suivie de celles de Martin Miguel et Serge Maccaferri, sans doute elles aussi un temps exilées…

Pas de soucis, Jean Mas. Picasso disait à un ministre arrogant, « vous ne serez plus ministre que je serai encore Picasso ». Les élus et les institutions passeront inéluctablement, mais les oeuvres de l’Ecole de Nice seront encore présentes, ici et ailleurs, car nous ne travaillons pas, au moins les meilleurs d’entre nous, pour « les touristes », mais pour tous ceux qui essayent d’un peu comprendre le monde dans lequel ils vivent.

Avec mes amitiés, mon cher Jean Mas. Et mes amitiés à tous les artistes et néanmoins copains avec lesquels nous nous sommes un jours ou l’autre engueulé, c’est normal, mais toujours avec sympathie… C’est Nice.

par Marcel Alocco

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