Opinion

Lettre de Marcel Alocco à Nicole Esterolle

Nice, le 1er février 2013

Bonjour,

Merci, la phrase entière a plus de sens. O. Kaeppelin (….) se lever brusquement en fond de salle et déclarer «  L’État a eu tout faux et devrait tout changer pour favoriser la diversité sans prendre position pour l’évaluation des artistes ». Je suppose qu’il a explicité ses positions en d’autres lieux et autres publications,

mais dans mon coin de profonde Province, je n’en ai pas eu connaissance. Internet peut-être ? Mais par son trop d’abondance Internet est vite devenu insuffisant.

J’ai de nombreuses fois écrit dans mes articles que si le Ministère pouvait gérer les instruments, la création ne se gère pas. Elle naît là où quelqu’un ou quelques-uns ne sont pas satisfaits de l’état des lieux. Plus souvent dans la pénombre que dans les vitrines des riches surfaces.

O.Kaeppelin était encore en fin d’étude (long parcours en divers domaine, je crois) quand il venait déjà voir mes premières expos à Paris. Je crois l’avoir rencontré en 1977 à Beaubourg, puis par hasard très rarement. (J’ai très très très peu fréquenté les milieux institutionnels).

Autant que j’aie pu suivre son itinéraire, il m’a souvent paru défendre des artistes pas toujours bien en cour, ce qui lui a valu d’être « écarté » à deux ou trois reprises, la dernière fois de la DAP pour aller faire le maçon au Palais de Tokyo, qu’il a quitté parce que, si j’ai bien entendu, on lui avait enlevé tout pouvoir de décision dans la programmation artistique.

Il semblerait qu’il n’ait pas pu, même à la DAP, faire un peu passer ses idées et changer beaucoup l’énorme système bien bouclé mis en place depuis le milieu des années 70 : dans la souplesse des débuts, le maillage Drac Frac Cac, etc. pouvaient être intéressant, mais le machin s’est ensuite rigidifié et verrouillé. Les changements ne dépendent pas, dans ce domaine comme ailleurs, de la seule volonté d’un homme (ou d’une femme), mais d’un ensemble complexe de convergences : les connivences sont plus difficiles à défaire que des complicités…

Est-ce mieux sans DAP ? Quand les souris sont déjà sur le fromage, si le chat n’est pas là… A-t-on vraiment connu autre chose ? Chaque fois que je me plonge dans l’histoire-sociologie de l’art, je vois un bref temps d’orage qui ici ou là secoue l’atmosphère, et puis le couvercle gris revient pour cinquante ou cent ans… Gagner à titre posthume, c’est drôle, mais pas rigolo pour l’artiste.

Continuons à nous agiter, à n’être d’accord ni avec eux, ni entre nous, ça nous a valu de prendre des coups, nous en recevrons encore… Mais qui prend des coups ne peut s’endormir… Sauf pour travailler ses rêves.

Reposons en paix, ma sœur.

Marcel Alocco

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *