ANTHEA – NOMAD – Chorégraphie et mise en scène de Sidi Larbi Cherkaoui
En fond de scène, la vidéo d’un désert dont le sol est craquelé par la sécheresse et au-dessus l’immensité d’un ciel changeant : d’abord d’un bleu lumineux, il se charge peu à peu de nuages. Il y aura même de la pluie, mais peut-être n’est-ce qu’un rêve de pluie, une illusion de pluie !
Devant ce ciel, dix danseurs se déplacent au ralenti, tandis que, parmi eux, un chanteur psalmodie de lancinants chants arabes, congolais, japonais (des îles Amami),… Avec un timbre spécifique, sa voix est tellement ample qu’elle se répand pour atteindre chaque spectateur dans toute l’immensité de la salle d’Anthéa. Sous forme incantatoire, des musiques soufies se mêlent à ces chants pour une traversée du désert pleine d’intenses émotions chargées d’une dimension de sacré.
Sidi Larbi Cherkaoui choisit de montrer des êtres humains qui dansent comme on survit, des nomades en mouvement perpétuel tels des migrants parcourant la planète pour trouver une terre d’accueil. Dans un monde abrupt, pourrait-il surgir un lieu à l’hospitalité conviviale ?
Le chorégraphe en appelle au métissage des corps et des mouvements qui sont l’essentiel de son univers où il mêle poésie et fluidité. Grâce à leur prodigieuse virtuosité, les danseurs expriment leur soif de vivre et d’aimer en entraînant les spectateurs dans leur périple qui n’a rien de tranquille.
Avec l’aide d’échasses, on peut voir certains danseurs devenir des dromadaires pour porter ces nomades dans une danse, certes maladroite, mais évoquant totalement la vie de ces voyageurs accompagnés du rythme d’un chant lancinant. Des lézards et des serpents s’ajoutent grâce à d’autres danseurs qui rampent autour d’eux…
En provoquant la rencontre entre les différents choix musicaux et les corps en mouvements, le choc esthétique est stupéfiant avec cette pluralité de cultures dans ce monde éclaté qui cherche à se composer selon le climat dans une infinité de variations de danses de solos, de duos et surtout de mouvements de groupe à l’énergie fougueuse.
A la fin, les danseurs sont nus – ou presque – portant seulement des sous-vêtements couleur chair. Ils déambulent au ralenti tandis qu’apparaît, sur la vidéo, le champignon de la bombe atomique. Sur le désert au sol craquelé, la lumière devient diffuse, tandis qu’un danseur et une danseuse arrivent couverts de sang…
A la fois, directeur artistique du Ballet Royal de Flandres et de la Compagnie Eastman depuis 2010, Sidi Larbi Cherkaoui est le chorégraphe le plus emblématique de sa génération. Chaque nouveau spectacle émerveille le public.
Le chorégraphe prouve toujours son empathie avec les forces de la nature, mais ici plus particulièrement. Très habité de spiritualité, il combine humanité et virtuosité dans une ligne unique qui donne un talent de virtuose à ce magnifique « Nomad » qui, à la fin, est applaudi jusqu’au délire !
Caroline Boudet-Lefort
https://www.anthea-antibes.fr/fr/spectacles/saison-2022-2023/privilege-spectacle-vivant/nomad
Visuel de la couverture ©FilipVanRoe-Nomad by sidi larbi cherkaoui @Eastman
