Spectacles

Le 20 novembre

20 novembre 2006, Emsdetten, Allemagne, Sebastian prend le chemin de son ancien lycée. Tel l’ange exterminateur qu’il est devenu, il y va pour tuer un maximum de professeurs et d’élèves avant de se suicider. « Si je n’arrive pas à trouver un sens à la vie / je vais de toute façon trouver un sens à la mort / mais je ne partirai pas seul. » L’onde de choc provoquée par le drame traverse les frontières. Sebastian se préparait depuis deux ans et a laissé un journal intime et des enregistrements qui en attestent.

Lars Norén s’est emparé des mots de l’adolescent pour écrire sa pièce « Le 20 novembre ». Car des Sebastian il n’en existe pas qu’en Allemagne. « Vous avez intérêt à piger qu’on est nombreux / avant qu’il ne soit trop tard. » Le dramaturge suédois a compris l’universalité du cri et pour la première de sa pièce en 2007 au festival de Liège, il met en scène son monologue avec une actrice, Anne Tismer. En effet, le texte original ne précise aucun nom / prénom / lieu / âge. Mais l’état des lieux d’une souffrance qui a commencé au tendre âge de 6 ans pour un passage à l’acte à 18 ans. Un compte à rebours d’1h12 avant l’irréparable.

Le comédien Samuel Chariéras a choisi ce texte fort pour sa première mise en scène. Il se fait porte-voix de l’enfermement, de la machine infernale mise en branle et que rien ne semble pouvoir arrêter. Pas même l’amour d’une famille attentionnée. L’intention de l’auteur dépasse la tragédie allemande pour mettre la lumière sur une certaine jeunesse qui ne croit plus en rien. Lars Norén : « Afin d’inscrire leur passage sur la terre, ils se sentent contraints d’accomplir quelque chose de terriblement meurtrier. Tuer signifie se tuer soi-même. … Leur situation est si compliquée qu’ils se sentent programmés pour le meurtre ou le suicide. »

Cette pièce est un appel à comprendre ce cheminement, cette souffrance. Ce hurlement intérieur et silencieux qui ne s’exprime que quand il est trop tard. Comprendre plutôt que juger. Écouter mais surtout entendre une bonne fois pour toute. En effet, dans quelle mesure ne sommes-nous pas tous responsables de la société dans laquelle nous vivons ? « Vous êtes pas innocents. Vous applaudissez avec des épines dans les mains. » Le théâtre de Lars Norén se veut réel et vrai, plutôt que du divertissement. Son texte est un rappel face aux dangers de la banalisation de la violence. Tel un funeste glas il ne cesse de résonner depuis 2007 dans de nombreuses versions et glace toujours autant le sang face au laisser-faire en place auquel nous consentons tous en restant silencieux.

2020, Samuel Chariéras convoque musique et visuels pour accompagner la force du message. Et vous ? « Vous êtes allés dans une école récemment ? »

Carine Filloux

Le 20 novembre

De Lars Noren

Traduction : Kathryn Ahlgren

Mise en scène et jeu : Samuel Chariéras

Direction d’acteur : David Ayala

Dramaturgie : Cyril Cotinaut

Musique et création sonore  I.N.C.H. et Al’Tarba

Dessins et animations : Nino

Moyens techniques création musicale : CIRM

Durée : 1h20

Du 8 au 11 janvier 2020 à 20h30 au Théâtre National de Nice – https://www.tnn.fr/fr/spectacles/saison-2019-2020/le-20-novembre

Visuel 20-novembre_©-Nino