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De l’ombre à la lumière - performARTS
ExpositionsJournal

De l’ombre à la lumière

Liberté…Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres

Sur le sable sur la neige …J’écris ton nom…

Ce message poétiquede Paul Eluard,porté par les voix de la compagnie Bal, le jour du vernissage de l’exposition Liberté, liberté, chérie, a fait son chemin.

Les réactions dites, écrites, sur cette exposition de l’UMAM présentée à l’Espace Lympia au port de Nice, alimentées de réflexions, de débats d’idées, qui font le buzz, permettent déjà de l’inscrire comme l’événement artistique de l’été ayant le plus fortement marqué le public de la Côte d’Azur et au-delà.

L’exposition se situe au port de Nice sur deux niveaux, à l’ancien bagne, quai Entrecasteaux et au-dessus dans le Pavillon de l’Horloge

Son originalité vient de la diversité d’interprétations du simple mot LIBERTE, de la préférence affichée par les artistes de proposer ou créer des œuvres inspirées de la face négative du thème, la privation de liberté et de la scénographie dramatique soupoudrée d’humour de Simone Dibo-Cohen, commissaire de l’exposition.

Sont présentées une soixantaine d’œuvres de 32 artistes plasticiens internationaux, dont certains ont connu des régimes totalitaires auxquels ils ont échappé, d’autres sans les avoir vécus dénoncent ou lancent un cri d’alarme. Tous se rejoignent sur le besoin de liberté dans la création artistique et la volonté de chacun de prendre sa part de liberté !

La sculpture Esclaves de Bernard Gacsi placée juste à l’arrivée de cet ancien bagne de Nice où travaillèrent des forçats, où des condamnés militaires furent enchaînés, donne le ton. L’artiste inscrit sous son œuvre : ce ne sont pas les leaders ou les autres …mais nous-mêmes qui faisons vivre les systèmes fous.

Certains artistes ont choisi d’inclure des écrits dans leurs œuvres. …Des mots, des phrases, des citations s’égrènent au fil du parcours, marquant de manière intéressante le pouvoir des mots dans l’œuvre.

Liberté de droit

Ainsi Joseph avec une formule bien connue sur la liberté, longtemps attribuée à Voltaire, ouvre l’exposition, I disapprove of what you say but I will defend to the death your right to say It

C’est une belle œuvre en acier-miroir dont les lettres découpées laissent apparaitre en creux un travail de peinture. Même si cette phrase est apocryphe, elle interpelle dès l’entrée le visiteur.

*Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire.

La sculpture-installation sans titre de Marc Gaillet, présente des fers rouillés abandonnés, placés sur un socle débordant de verdure sur lequel la phrase de Camus s’inscrit en boucle : La liberté est un bagne aussi longtemps qu’un seul homme est asservi sur terreMarc Gaillet sait faire miroiter d’une manière troublante les armes, les engins de mort, ici des fers rouillés, en jouant sur l’ambiguïté de leur passé et leur attrait esthétique. Il n’y a pas de violence dans l’œuvre mais de l’espoir soutenu par la citation lumineuse.

C’est dans le noir que l’on espère la lumière.

Simone Dibo-Cohen a placé dans une lumière réduite, à une extrémité de l’ancien bagne, l’œuvre de Stefano Bombardieri, Luge macht frei.

L’artiste présente l’entrée d’un camp de concentration titrée : Luge macht frei, le mensonge rend libre, remplaçant la terrible phrase ‘Arbeit macht frei ‘ le tout aussi mensongère.

Cet artiste italien, pour parler du drame de la Shoah, fait référence à Pinocchio dont le nez grandit quand il ment, ici les victimes sont des Pinocchios et le camp, un pays où les jouets des enfants s’entassent à côté d’ossements empilés… Un jeu de rôles inversés qui n’est pas sans rappeler le film de Roberto Benigni, la vie est belle, où la vie du camp est racontée d’une manière rocambolesque. Le souvenir de la Shoah hante cette installation, donne une grande émotion en même temps que s’infiltre dans l’esprit du visiteur, une révolte face au discours nazi et rappelle celui de certains hommes politiques. Cette installation placée dans une demi-pénombre entretenue, avec un bruitage de sons et de voix, alimente une profonde réflexion sur le drame humain.

Signalons au passage l’intéressante installation de Nars -Eddine Bennacer, la dernière traversée, suivie de la série des dictateurs de Mauro Corda dont la taille est réduiteà celle de nains.

Justement placée, la vidéo humoristique de RAMTIN ZAD, apporte une respiration, une bouffée d’air au déroulement de l’exposition. On ne peut résister à l’attrait de ce défilé militaire proposé par cet artiste iranien, soldats grimés, sourires forcés et figés, marchant comme des automates sur une musique de cirque. Beaucoup de signes à interpréter qui peuvent amuser, ou faire grincer des dents.

Les références au passé alternent avec le présent et en parcourant ce lieu où ombres et lumière alternent, la double vidéo de l’iranienne, Shadi Rezaei amène l’attention du visiteur à l’actualité avec The curtain falls. Le titre est sans équivoque et le déroulement des vidéos, saisissant.

L’enfant à l’œillet

A l’autre extrémité du bagne découvrir l’Installation de Joseph. Deux vidéos enchaînent des images de la guerre fratricide du Liban, suivie de la révolution des œillets, du Portugal. Des peintures-installations complètent l’histoire. Ici le droit d’afficher sur les murs de la ville est considéré comme subversif, là on découvre les restes d’une vie, après la guerre, dans une ville sans cesse pilonnée. L’homme à la cravate rouge écroulé au pied du mur de sa maison est très émouvant. Une sorte d’intimité et d’émotion se dégagent de ces reportages très forts, de ces objets empoussiérés. Et puis…l’enfant à l’œillet amène l’espoir.

Mais il n’est pas question que de guerre mais de notre emprisonnement subi ou choisi, avec des solutions. Peut- être se mêler au vol des papillons de Miryan Klein…ou choisir une des solutions proposées par Gérard Taride.

De l’ombre à la lumière

L’installation Prison dorée de Gérard Taride est absolument à ne pas manquer Par la porte entr’ouverte, rentrer dans cette cage dorée, aux quatre murs attractifs, chargés de centaines de signes lumineux de notre quotidien, de notre vie : composants électroniques, télévision, réseaux sociaux, internet, publicité, alcool et autres ; se laisser envahir par ces images jusqu’à saturation, ou deux solutions pour échapper à cet emprisonnement, se tirer une balle sur ce fauteuil doré

Ou sortir par la porte entrebâillée, car la liberté se prend… et tous les artistes y participent.

Citons aussi Bansky, Li Baoxun, François Bard, Liu Bolin, Matteo Carassale, Franta, Gérard Haton-Gauthier, Louis Jammes/Basquiat, Kianoush, Kristian, Davide Meneghello, Lucien Murat, Philippe Nuell, Philippe Pasqua, Philippe Perrin, Jason Pumo, Gérard Rancinan, Pierre Riba, Benjamin Sabatier, Victor Soren, Cedric Tanguy, The Kid.

Brigitte Chéry

Nice le 11 septembre 2019

photos copyright Béatrice Heyligers