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Ursula Biemann :  La Nature entre Guerre et Paix Savoirs indigènes, fictions cosmologiques au Mamac.

La nature reprend ses droits, l’homme est le covid de la nature, les animaux se rapprochent des villes…nous entendions cela il y a encore peu de temps, avant que les dires ne s’épuisent et s’orientent vers d’autres horizons… La nature…les écrivains et poètes, mais aussi les cinéastes, photographes et musiciens, les écologistes, géologues, spécialistes, tous la célèbrent, s’en soucient et donnent l’alerte depuis plus d’un demi–siècle. Les artistes, galeries et conservateurs de musée s’y sont engagés, ils dénoncent les agressions que subit la planète dont dépendent la vie animale, végétale, humaine, les énergies cosmiques. Chacun y travaille à sa manière souvent en se rapprochant d’une réflexion écologique. L’exposition proposée actuellement au Mamac, programmée avant cette période est bienvenue.

Ursula Biemann, artiste suisse, chercheur, auteur, vidéaste, connaît bien le sujet, car depuis une vingtaine d’années, elle travaille sur le thème de la migration, de la mobilité des espèces …et disons-le rapidement, l’artiste a beaucoup à nous apprendre. Elle a un solide bagage dans le domaine de l’art visuel, des sciences humaines et de l’Ethique acquis aux USA puis en Suisse. D’abord à New York avec des études à la School of Visual Arts, un troisième cycle au Whitney independant Study program. En Suisse, elle sera Chercheuse principale à la Haute école des arts de Zurich, docteur honoris causa en Sciences humaines pour l’université suédoise d’Umea…

Dans cette exposition, Ursula Biemann, interpelle le public sur le changement climatique, les bouleversements écologiques liés au pétrole, à la glace, à l’eau, cela en pays lointains. Pour cette étude des enjeux écologiques actuels l’artiste nous fait voyager en Amazonie, ensuite au Canada et au Bengladesh, puis dans les profondeurs de l’Atlantique et en Norvège dans le territoire Sami

Au-delà de ce constat, sans céder à un alarmisme exagéré, Biemann prend du recul et propose avec de beaux montages film/vidéos, des documents précieux, des interviews et écrits solides, une réflexion scientifique sur l’organisation planétaire et une prise de conscience de l’interdépendance des systèmes de vie. L’argumentation scientifique est soutenue par une pratique pluri-forme esthétique, parfois même agrémentée d’un grain de fiction et même de science-fiction…

En entrant dans l’exposition présentée au Mamac, en passant d’un sas obscur vers la lumière, le visiteur est d’abord saisi par l’extrême beauté des paysages de l’Amazonie

Dans cette œuvre, Forest Law 2014 d’Ursula Biemann et Paulo Tavares, tandis que la beauté de la forêt équatoriale nous envahit, des commentaires, des interviews de chefs indigènes, juristes et scientifiques, sont diffusés sur les luttes engagées par les autochtones contre les puissances pétrolières qu’ils poursuivent en justice pour obtenir réparation des dégâts causés sur leur terre-mère. Lutte aussi contre les cultures intensives. Une place importante est donnée au mouvement de résistance du peuple de Sarayaku pour préserver leur forêt vivante permettant la survie de la population.

Puis nous partons au Canada et au Bengladesh, autre thème : le climat et la nature. Deux situations graves. Avec Deep Weather, 2013 Ursula Biemann montre les répercussions de l’exploitation de la nature et du climat entre les mines du nord du Canada et la destruction de la flore et la faune d’Alberta. Situation aussi lamentable et similaire au Bengladesh où la fonte des neiges de l’Himalaya provoque l’élévation du niveau de la mer, obligeant la population à dresser une digue continuelle, bien aléatoire, avec des sacs de sable, et à se constituer des habitations amphibies. On comprend qu’il ne s’agit pas de films documentaires mais de sujets de réflexions occasionnés par cette pression exercée sur l’environnement et les êtres vivants.

Dans Subatlantic 2015, l’artiste imagine des micro-organismes libérés de l’eau de fonte de glaciers dont l’ADN archaïque se mêle aux écosystèmes actuels. Ces espèces en sommeil depuis des millénaires, liées à d’autres, en créent de nouvelles plus ou moins maîtrisées… Alors les données scientifiques basculent du côté de la fiction…

La partie la plus spectaculaire est sans doute Acoustic Océan 2018, un film tourné avec une jeune scientifique d’origine Sami (peuple semi-nomade qui circule en Norvège, (Finlande, Suède et Russie) Ici nous sommes dans les profondeurs du monde sous-marin avec des détecteurs de sons émis et échangés entre les espèces sous maritimes de toutes tailles, et aussi venant du monde extérieur. Comme dans chacune des expériences d’Ursula Biemann cette recherche scientifique souligne cette aspiration inter-espèces, marquant l’interdépendance qui nous lie aux écosystèmes et à toute forme de vie ! Une belle histoire de correspondance et d’amour.

Devenir University : une commande du Musée d’art de l’université de Colombie

L’exposition se termine sur un projet visionnaire en Colombie. L’invitation du chef indigène du peuple Inga, Hernando Chindoy Chindoy à Ursula Biemann de participer à la Co-création d’une université en tant que partenaire conceptuel et esthétique. Ceci pour transmettre la connaissance ancestrale de cette population à leur descendance et la relier à la science et aux technologies occidentales afin de protéger l’environnement des communautés indigènes et de ce fait de favoriser la Paix.

En énonçant l’interdépendance des échos systèmes et l’indispensable harmonie entre les hommes, la Nature et le Cosmos, Ursula Biemann, parle au public tout au long de l’exposition d’amour et de partage. Elle l’invite à une réflexion par l’esthétisme de ses images à une célébration de la Beauté de la Nature.

Brigitte Chéry le 22 septembre 2020

Photos Copyright Béatrice Heyligers

Savoirs indigènes- fictions cosmologiques

du 8 aout 2020 au 17 janvier 2021 Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice

MAMAC Place Yves Klein 06364 NICE Cedex 4

+ 33(0)4 97 13 42 01

www.mamac-nice.org