Mardi, 04 Novembre 2014 14:12
Irina Brook signe son arrivée au TNN et ouvre la saison avec un message particulier, celui du métissage. En effet le texte norvégien Peer Gynt d’Ibsen, traduit et joué en anglais par des comédiens de toutes nationalités et pour la plupart musiciens, chanteurs, danseurs c’était un chalenge ! Pari réussi car le public a chaleureusement applaudi la création du spectacle.
Scène grande ouverte, musiciens sur le plateau, le spectacle commence avec une adaptation de la musique de Grieg. En fond de scène, un tableau de William Blake, Dance of Albion, l’artiste se délivrant de ses chaines matérialistes, tout un programme, fil conducteur du spectacle et peut être aussi celui d’Irina Brook qui entend faire rêver les spectateurs.
Peer Gynt comme dans tout conte, vole, franchit des montagnes, rencontre des trolls. Irina Brook a choisi de transformer ce jeune norvégien alcoolique et provocateur qui devient marchand d’esclaves, en un jeune homme tout fou, qui fuit son village, échappe à la magie des trolls et devient un célèbre mais odieux rocker hanté par des questions existentielles.
Irina Brook fait intervenir les comédiens avec beaucoup de simplicité, comme elle le ferait en arrêtant sa caravane dans un village, avec peu de choses, des pétales de roses, de très beaux costumes, des masques. La musique. Un grand escalier tout de même pour voyager dans l’espace et le temps. Des petites scènes intimes et aussi des moments de très grand spectacle, éblouissant de lumière, et la magie opère, car les comédiens sont extraordinaires. L’émotion et la poésie sont là.
La mise en scène à la croisée des genres avec des comédiens aux multiples facettes, embarque le public dans cet opéra contemporain, et on s’habitue vite aux sur- titrages. Peer Gynt interprété par Ingvar Sigurdsson, très célèbre comédien islandais, est impressionnant de justesse et de force il dégage une énergie et une puissance spectaculaire.
IL est plein d’audace et de fougue dans les scènes de fête du village, séducteur et insolent dans son duo avec la démone verte, envoutante Shantala Shivalingappa, avec laquelle il partage des moments de danse sensuels et harmonieux. Son interprétation au fil du spectacle de deux chansons d’Iggy Pop est très réussie.
Ingvar Sigurdsson communique beaucoup d’émotion lorsqu’il revient pour les derniers instants de sa mère qu’il a abandonnée (excellente Mireille Maalouf) pour vivre sa vie, sans lui donner de nouvelles.
Cet inventeur d’histoire l’entraine alors dans un voyage imaginaire en traineau jusqu’à la mort, avec de tendres mots aux tonalités de son enfance, c’est un moment poignant.
Sous la forme d’un conte intemporel avec de magnifiques effets scéniques, un rythme trépidant, nous découvrons Peer Gynt, le menteur, l’alcoolique, le débauché devenir une star du rock, entouré des musiciens, personnages de l’histoire : Helene Arntzen, Froydis Arntzen Dale, Diego Asensio, Jerry Di Giacomo, Scott Koehler, Roméo Monteiro, Damien Petit, Margherita Pupulin, Pascal Reva.
Et lorsque Peer Gynt revient dans son village on retrouve Mireille Maalouf, toujours excellente dans le rôle cette fois, du prêtre.
Tous interprètent plusieurs rôles, comme Augustin Ruhabura, père de Solveig, roi des trolls, villageois, et chercheur de vérité.
La célébrité de PG chanteur grandit, les musiciens accompagnent son rythme fantastique, on le suit dans des salles de spectacles au milieu de magnifiques effets de lumières et de couleurs, l’intensité de son jeu est impressionnante.
Le mystère de Peer Gynt est entretenu, par des scènes à rebondissements : odieuse attitude de la star au sommet de sa gloire face à la presse, flop lorsqu’il est confronté à une nouvelle idole. Les musiciens-comédiens accompagnent Ingvar Sigurdsson dans son intimité, dans sa solitude d’être humain.
Seul en lui-même, plongé dans sa réflexion existentielle et philosophique alors qu’il étire sa vie entre ses mains, il nous entraîne dans son spleen avec ce beau poème de Sam Shepard « You are an onion, Peer, strip off the skin, cry for mercy, nothing helps…Peel away Noting helps…Peel away, écrit spécialement pour le spectacle.
Enfin c’est le retour au village où se raconte son histoire…et à la fidèle Solveig, interprétée par la talentueuse Shantala Shivalingappa.
Ce sont de beaux moments de théâtre, qui font rêver.
Brigitte Chéry
Photos Béatrice Heyligers
TNN : Promenade des arts 06300 Nice
25 septembre /18 octobre2014
tel/0493139090 www.tnn.fr
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