Spectacles

TNN – GRAVITÉ

Événement. Le chorégraphe et danseur Angelin Preljocaj fait son retour sur le plateau du TNN, 10 ans après y avoir présenté ‘Blanche-Neige’. Écrire que la longue attente est à la hauteur de l’événement serait un doux euphémisme. Enfin le noir a pris possession de la grande salle, donnant le signal aux conversations de laisser la place au silence, annonciateur du début du spectacle. Silence qui ne sera brisé que par là formidable ovation du public 80 minutes plus tard.

80 minutes suspendues. Emportées, transportées par la poésie, l’alchimie, la virtuosité, le sublime. Les mots sont forts et pourtant l’éloge ne pourra rester qu’en deçà de ce qui s’est passé au Théâtre National de Nice en ce 13 février 2020. En effet, décrire signifierai limiter, circonscrire l’indicible qui se dégage du travail de cette troupe qui transcende la technique pour accéder au divin.

Angelin Preljocaj est le lien du continent danse. Il convoque le vocabulaire du classique et du contemporain pour livrer un chef-d’oeuvre dont la découverte de chaque tableau bouleverse, laisse sans voix, fait résonner un écho au plus profond. Il caresse l’âme. Ses danseurs sont l’incarnation humaine de la technique. Technique qu’il utilise pour faire passer son message. La gravité en soi n’est pas une entrave, elle nous aide à évoluer, nous nous appuyons chaque jour dessus pour vivre. La lenteur par contre est une véritable contrainte et le danseur doit se surpasser pour maîtriser le mouvement.

C’est à ce prix que le supplément d’âme apparaît et que quand la troupe évolue sur le ‘Boléro’ de Ravel c’est comme s’il n’y avait plus qu’un corps commun sur le plateau. L’individu disparaît. Sur un des tableaux les danseurs portent exactement le même costume, plus de féminin ni de masculin, renforçant cette notion de corps commun. Ces corps qui se tendent, se répondent en écho, les gestes sont purs et les mouvements respirent une fluidité, une aisance apparente que seule la maîtrise de la technique permet.

Le plateau qui les accueille devient le 14ème danseur. En effet, le travail de scénographie et de lumière lui donne littéralement vie. Il devient matière organique qui se resserre, ouvre l’espace ou encore bouge littéralement avec la troupe. Tout se fond vers une unité de corps qui se retrouve également avec la musique. Ainsi, il est parfois difficile de distinguer la force motrice initiatrice du mouvement. Une conversation s’installe, les corps répondent aux notes qui répliquent au diapason dans un fondu magistral.

Difficile de reprendre pieds avec la réalité après un tel spectacle. Une impression persiste, celle d’avoir assisté à un moment unique, de ceux touchés par la grâce.

Carine Filloux

Gravité

Chorégraphie : Angelin Preljocaj

Avec : Baptiste Croissieu, Margaux Coucharrière, Mirea Delogu, Léa De Natale, Antoine Dubois, Matt Emig, Clara Freschel, Florette Jager, Erwan Jean-Pouvreau, Tommaso Marchignoli, Victor Martinez Cáliz et Nuriya Nagimova.

Musiques : Maurice Ravel, Johann Sebastian Bach, Iannis Xenakis, Dimitri Chostakovitch, Daft Punk, Philip Glass, 79D

Costumes : Igor Chapurin

Lumière : Éric Soyer

Durée : 1h20

Les 13 et 14 février 2020 à 20h au Théâtre National de Nice – https://www.tnn.fr/fr/spectacles/saison-2019-2020/gravite

Photo Gravité photo JC Carbonne