Brèves de lecture

Quand l’Illustration magnifie la poésie : Zoé Narcy, une Artiste in extenso

« Je n’ai jamais été à l’école, j’ai sucé mon pouce dans le lit de la guerre »

Danse poétique

Elle est comédienne, chanteuse, dramaturge, écrivaine, électricienne, monteuse, réalisatrice, régisseur, costumière, dessinatrice, peintre et pilote de planeur. Elle, c’est Zoé Narcy, une fille aux ressorts multiples qui fait de l’Art son maitre à vivre.

Je la rencontre pour la troisième fois, cette fois-ci, autour d’un livre, 110 pages de poésies illustrées : Danse poétique. Douée, la petite Zoé ? Certes ! Chez Zoé Narcy, fille d’artistes, la création est essentielle. Ce livre aux allures de grand cahier est issu de la rencontre entre deux talents : Gabriel Garran et Zoé Narcy. Il a écrit les poèmes et demandé à la jeune femme de les illustrer. Musique des mots, danse des lignes, c’est un double coup de foudre pour cet opus.

Zoé Narcy : Le dessin comme une danse

Si les poèmes de Gabriel Garran sont sublimes, Zoé Narcy a le trait magique. Avec elle ‘les silhouettes incertaines » (je n’ai jamais été à l’école. Poésie n° 2) reprennent forme et visage dans la conscience de l’humanité. Au crayon et aquarelle cernés d’encre de chine, les dessins s’étirent au dos de chaque poème. Un parti pris qui ne semble pas anodin. Les poèmes de Gabriel Garran, sombres et lumineux à la fois, souvent particulièrement poignants, sont adoucis par les illustrations de Zoé Narcy, fraîches, presque naïves, de l’absurde dans un envol de poésie. Les personnages s’étirent, membres fins, visages anonymes où les yeux sont absents. Voir ce qu’eux ont vu. Voir ce qu’ils savent. Savoir l’indicible sans plonger dans le pathos. Par touches de couleurs vives, la réalité s’impose alors avec plus de vigueur. Le monde de l’enfance vient bercer les mots, les cajoler, leur offrir un cocon éternel, inoubliable. La branche de l’étoile jaune se tord, c’est la douleur dans le tracé, l’écriture hésitante d’un petit garçon. L’étoile pleure l’enfance perdue. Et pourtant quelle force, quelle assurance dans le caractère, dans le style ! Zoé Narcy et Gabriel Garran s’interpellent, se complètent. Les illustrations de l’une rejaillissent sur les mots de l’autre, et vice-versa. Ces deux-là, Gabriel et Zoé, donnent vie à ce recueil grâce à une complicité, une amitié que l’on respire à chaque page, mais surtout grâce à leur talent.

Gabriel Garran : Les poèmes comme une musique :

« La poésie est un chemin de vie, une chimère qui prend forme, une vérité qui existe » Gabriel Garran

Gabriel Garran, est un acteur, réalisateur, metteur-en-scène de théâtre et poète reconnu.

Voici résumé, en quelques lignes, l’idéal de ce grand homme

«-La poésie est un voyage immobile. Le théâtre est un phalanstère collectif. Ces deux démarches semblent chacune constitutive, séparant la parole publique de la parole intime. L’une conduit à la façade de lieux du spectacle, l’autre à la relation solitaire, close avec soi-même. Qu’on le veuille le théâtre est participatif, et la poésie appelle l’isolement. Reste que leur fondement a pour même base et matière première l’écriture arrachée au vide.

À chacun son parcours, à chacun les réponses de son existence, à chacun ses frémissements. Elles m’ont conduit à travers des dédales particuliers à rencontrer assez tardivement la passion théâtrale et la modifier. Mais il y a un eu un avant, et je peux commencer à le dire, un après.

L’approche de mon cheminement vers la poésie tient à des circonstances d’origines non évidentes, des parents émigrés, le fait d’être chassé de mes douze ans, de l’arrestation antisémite de mon père avant son meurtre à Auschwitz et sous l’Occupation ma fuite historique permanente quasiment solitaire. Hors études, ma résistance individuelle s’est concentrée sur ma langue, celle de la langue française, je la tenais aves mes poings, et je la protégeais avec l’écrit individuel sous une forme… poétique que je formulais de jour en jour (j’en ai rendu compte dans l’œuvre de « Géographie française »).

Le tout jeune libéré s’est enfermé seul quelques années avec ce qu’il écrivait.

Ma rencontre avec le théâtre n’a que multiplié au long de mes saisons d’abord un répertoire de textes vivants (j’ai toujours pensé que l’auteur était le premier acteur) et dans les créations, les insomnies, ma dramaturgie, mes rencontres, j’ai entassé des textes personnalisés et que je ne montrais à personne. Assez curieusement, à partir du moment où je n’avais plus de structure ou soutien, j’ai commencé à les sortir de mes tiroirs. L’étrange est qu’ils ont commencé à vivre. » Gabriel Garran (cf les déchargeurs-la poésie de Gabriel Garran)

Voici un recueil de poésies, DANSE POETIQUE, à mettre entre toutes les mains, à lire, à savourer, à étudier, un recueil qui devrait faire école.

Danielle Dufour-Verna

Contacts : zoenarcy@gmail.com gabrielgarran@gmail.com