Evénements

Les 30 ans de l’Amourier, une fête !

« Pas d’avenir possible, là où la mémoire fait défaut »

Edmond Jabès

Beaucoup de monde se pressait au Rendez-vous des amis, ce samedi 31 mai au château de la Gardiole à Coaraze, ce fut-là occasions multiples de retrouvailles, d’échanges et de partages.

Oui, ce fut le Rendez-vous des amis ! J’aime à citer ces mots : ce sont ceux du titre d’un livre de Michel Butor que les éditions de l’Amourier publièrent en 2003, Michel Butor dont la présence attentive et bienveillante ne s’est jamais démentie auprès des éditions.

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Les œuvres du livre

Nous avons passé une journée magnifique. Le soleil et l’amitié, la création et ses partages, irradiaient ces lieux – ce château de la Gardiole aux espaces dédiés à l’Art Contemporain – où la justesse, la disponibilité et la générosité de nos hôtes Kirsten Floss et Michaël Schultz jouaient magnifiquement avec la beauté des entours, paysages et sculptures.

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Il s’agissait de célébrer ici une histoire et une aventure, celle des éditions de l’Amourier que nous autres, Association des Amis de l’Amourier, accompagnons depuis plus de 25 ans. Il fallait pour cela compter sur amitiés et solidarités anciennes – celles de la municipalité de Coaraze, des amis de la Mediateca, des écrivains et artistes qui rythmèrent ces 30 années – et rencontres nouvelles, celle des amis du Château de la Gardiole fut décisive.

Célébrer 30 ans de livres partagés,*30 ans de mots échangés, 30 ans de regards croisés comme une réponse à l’insupportable du monde autour de ce qui nous tient debout : la littérature, la poésie, l’art, la science, la pensée inquiète et toujours vivante.

C’est pour cela que nous avons tenu à mêler aux artistes plasticiens, écrivains, musiciens, un scientifique, pour nous tous demander la Lune, position éthique que chacun pouvait faire jouer selon son vécu et ses inclinations propres.

Charvolen Baviera Serée Miguel

Dans la magnifique galerie du château de la Gardiole étaient mises en valeur par un accrochage aussi juste que délicat par nos amis Martin Miguel, Max Charvolen et nos hôtes Kirsten Floss et Michaël Schultz, les œuvres de 14 plasticiens ainsi que leurs créations conçues pour accompagner les 30 écrivains dont les textes inédits forment l’architecture du livre Demander la Lune, publié à cette occasion.

Aux discours de Mme la maire de Coaraze, Monique Giraud-Lazzari, de Kirsten Floss au nom du Château de la Gardiole, Jean Princivalle au nom des éditions de l’Amourier et Alain Freixe, représentant Michel Séonnet, retenu par des impératifs personnels, pour l’Association des Amis de l’Amourier remercièrent tous ceux qui avaient, à titre divers, rendu possible cette manifestation ainsi que tous les amis présents sur le parvis ombragé du château, les invitant à visiter l’exposition et à échanger avec les nombreux artistes présents.

Orsoni, Alocco Lanneau

Un apéritif-dînatoire, copieux et prestement servi, conclut cette matinée.

L’après-midi s’ouvrit par une forte lecture, présentée par Jean Princivalle, du livre Point de suspension, où c’est ce que l’on voit de Gaza qui se trouve écrit et à quoi l’on ne se résout pas, par Sylvie Tessier et Paul Laurent suivie d’un échange avec les auteurs Olivia Elias et Michaël Glück.

Après une pause « librairie » où le fonds des éditions de l’Amourier fut mis à l’honneur, plus de la moitié des auteurs du livre Demander la Lune furent appelés à mettre en voix leur texte sous forme de quatre vagues, quatre coups de Lune, présentés par Alain Freixe.

Le temps d’installer guitares et batterie et le trio des frères Miguel, Aurélien et Max, et de Frédéric Colombani salua à travers reprises et compositions originales la Lune en son lever.

Les musiciens

Je ne dirais rien de la soupe au pistou – soupe que nos Voix du Basilic rendirent bien des fois célèbre ! – ni des fromages de chèvre d’ici ni de l’excellente tourte de blettes, j’enchaînerais, la nuit s’étant invitée, avec l’intervention de l’astronome Jean-Louis Heudier sur l’astre dont le croissant se faufilait entre les arbres avant de nous commenter une belle version colorisée du Voyage dans la Lune de 1902 de Georges Méliès.

Se quitter dura longtemps…

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Demander la Lune, c’était aujourd’hui comme hier mais avec peut-être une urgence grandissante faire acte de résistance à tout ce qui nous prive de sens, paralyse la pensée, ruine la réflexion, pétrifie la sensibilité, stérilise les imaginations…à toute cette « Sensure », selon le terme inventé par Bernard Noël, que j’aime à citer ici après Michel Butor, comme un de nos amis fidèles.

C’était affirmer ce fait têtu de vouloir garder vif le désir et ouverte la voie des possibles, c’était, pour nous, aider à ce que vienne de lui-même l’imprévisible.

Faire en sorte que les lucioles jamais ne disparaissent définitivement comme le disait, rappelant Pasolini, Bernadette Griot lors de l’édition des 21 entretiens entre Alain Veinstein et Bernard Noël.

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Intervention de l’astronome Jean-Louis Heudier

Avec cette fête nous voulions affirmer également qu’il n’y avait pas d’avenir possible, là où la mémoire faisait défaut, selon les mots d’Edmond Jabès, mémoire non pas tournée sur les arrières se bornant à la répétition, morne et monotone, mais bien tournée vers l’avant, en reprise vivante et inventive. C’est pourquoi ce n’est pas seulement une maison d’édition que nous avons voulu fêter – encore que, tout de même, 30 ans ! – ce n’est pas non plus simplement un lieu ouvert aux arts de la lumière, à la sculpture, à la peinture dont nous avons voulu saluer l’implantation et le travail dans notre arrière-pays niçois, c’est aussi et surtout une manière d’habiter le monde, d’y chercher l’intensité plutôt que la vitesse, l’authenticité plutôt que le clinquant et ce fond d’humanité qui fait notre plus belle part. Et notre chance !

* Voir le catalogue sur site des Éditions de L’Amourier.

Valberg, les 13-14 juin 2025

Alain Freixe

Les images sont de Bernadette Griot, Kristen Floss et Michaël Schultz pour le château, Marie Jo Freixe, Martin Miguel