Le Chagrin de Matisse et Mer intérieure
Deux publications qui ont en commun d’écrire de l’art, à partir d’un collage de papiers gouaché de Matisse pour l’un, à propos de divers artistes contemporains de sa région pour l’autre.
« Qui veut se donner à la peinture doit commencer par se faire couper la langue » a dit Matisse, sans s’exécuter. Alin Anseew apprécierait plutôt, dit-il « … de regarder la peinture dans le plaisir du texte. » Pari très ambitieux, qu’il est ici question d’affronter dans l’espace extra-fin entre le papier et sa couleur. Dire le noir avec le noir de l’encre, et ici la couleur de l’encre n’entre pas en compte. Le Roi est triste, et le voici nu deux fois : devant les ciseaux de l’artiste et puis la danse de la main dans l’écriture. Jouir des mots et s’interdire la parole ? Le collage de Matisse nommé, pour dépouillé qu’il soit, cache encore la colle.
À parler d’autre chose – et c’est bien là qu’est l’exercice dit poétique, qui évite de prononcer l’épaisseur de la matière et de la forme de l’espace devant ou autour de l’objet – il y aurait dit l’un le silence, il y aurait toujours dit l’autre une figure féminine ; et l’on imagine le sein généreux qui allaite l’enfant vorace qui somnole en chaque lecteur. La poésie, fantôme sans chaînes, hélas, glisserait-elle sans laisser de traces sur les couleurs ? Le plasticien serait alors un muet, très bavard.
Tout cela serait « un peu ironique, non ? » aurait dit mon ami George Brecht.
Marcel Alocco
Le Chagrin de Matisse
Alin Anseeuw, Galerie Librairie L’Ollave, Rustrel
Mer intérieure
Raphaël Monticelli, Editions Le passe du vent, Vénissieux