L’art de Martin MIGUEL, c’est que le “support”…
Ce qui est remarquable dans l’art de Miguel, c’est que le “support”, béton, toile ou papier, ne précède pas les formes qu’il supporte. Depuis ses tout premiers travaux, il élabore en même temps le support et les formes. Les éléments qu’il emploie pour constituer l’objet plastique (l’œuvre, la pièce) produisent à la fois la qualité et le format de ce que nous percevons comme “support”, et les traces, marques, signes que nous percevons comme formes et colorations.
Dessiner, c’est déposer une trace sur un support avec des outils de marquage. La méthode de Miguel est différente : il dessine d’abord en l’air, donne forme au fil de fer en dehors de tout support. Il définit une forme, appelons ça un gabarit, un patron, une matrice grâce à quoi il construit un espace, béton, papier, matières.
Quand l’ensemble est terminé, il enlève parfois le gabarit. N’en reste alors que l’empreinte – trace négative perçue comme dessin autour duquel irradient les colorations. et nous percevons l’empreinte comme dessin. Parfois le gabarit demeure dans la pièce : soit parce qu’il est piégé dans la masse des recouvrements, soit parce qu’il permet de consolider l’ensemble.
Miguel dessine, mais il n’utilise ni les outils, ni les supports du dessin. Il inverse la relation entre le dessin et le support : le dessin résulte le plus souvent d’un ajout, chez Miguel, il peut naître d’un retrait. La démarche de Miguel lorsqu’il dessine est de même nature que celle qu’il adopte lorsqu’il peint.
Au début, il y a la forme en fil de fer, gabarit, matrice. Elle reproduit les contours d’un cheval que l’on identifie comme “cheval de Lascaux”. Sans doute l’un des chevaux qualifiés de “chinois” par les préhistoriens depuis Henri Breuil. D’après la position des pattes, on peut dire qu’il va l’amble… Le choix de Miguel, pourtant, marque moins une volonté de recherche préhistorique, que celle d’une forme immédiatement reconnaissable comme “première”, comme “originelle” – quelque doute que cela suscite – constante, appartenant à tous et n’appartenant à personne, forme devenue neutre, porteuse d’histoire, de savoir, d’ignorance et de questionnements, et qui, plus que toute autre, peut servir de matrice.
La forme qu’utilise Miguel est fille de mémoire, elle est inscrite dans nos crânes. Miguel travaille d’abord le fil de fer, tenu “en l’air”. Le reste du travail se fait à plat, corps penché sur la réalisation en cours. L’image est parfois disloquée et certaines de ses parties ont disparu : effets du temps sur l’art préhistorique, volonté de l’artiste contemporain. En outre Miguel se réfère à la technique de l’archéologie qui divise un territoire pour mieux l’appréhender.
Au début, il y a le fil : un lasso pour s’enrouler autour du vide, le saisir, l’apprivoiser, commencer à construire l’espace.
À la fin, que la matrice soit ou non retirée, un halo entoure le dessin, rouille incertaine du métal oxydé.
Raphaël MONTICELLI
(extraits de « Cavalcade au seuil de L’Eden », éditions L’Amourier)
exposition Martin MIGUEL 17 mai – 15 juin 2024
Galerie Quadrige, 14 rue Pauliani 06000 NICE