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Jacques Monory à la Fondation Maeght : arrêt sur images

Cet été à La Fondation Maeght, Jacques Monory est mis à l’honneur avec une belle exposition monographique, la première depuis sa disparition en 2018.

En parcourant l’exposition présentée à la fondation Maeght, lorsque j’entendis un visiteur s’exclamer « c’est un fou de violence, de balles, de pistolet, de meurtre » cela m’a agacé ! A la réflexion il n’a pas tout à fait tort. Jacques Monory a une véritable attraction de peintre pour son époque. Ce sont les événements des années 50, 60, fin de siècle et plus qui viennent vers lui, qu’il capte et nous donne à voir à sa manière et que nous fait découvrir, ici, la commissaire d’exposition Laurence d’Ist.

La voleuse n.1 (1985)
Couleur n.1 (2002) Gun Crazy

Jacques Monory n’est pas un peintre-reporter, mais un artiste qui vit son temps, s’en imprègne, se met en retrait, s’en dégage, le manipule à sa manière, le soumet au filtre de son regard d’artiste pour mieux y vivre, le vivre.

Considéré comme le plus figuratif parmi les peintres dits de la Figuration narrative, il nous a laissé des interprétations très personnelles, quelquefois des suites d’images en temps décalé, comme la pellicule d’un film, certaines soumises au fameux voile bleu Monory, filtre de distanciation, touche de poésie.

Fragile n.9 – Ciel n. 12 Nuage dans la voie lactée

Viennent les émotions esthétiques avec le bleu, souvenir d’enfance d’un film projeté avec un filtre bleu pour évoquer la nuit (la fameuse nuit américaine) émotions des couleurs allant du bleu, au rose, jaune, orange, vert, plus pimentés, et même au noir et blanc. Le visiteur feuillette et découvre en même temps des épisodes de violences peintes, auxquels se juxtapose des photos et clicks de film saisis par l’artiste mêlés au chaos du siècle, et tout prend sens.

Les peintures sans épaisseur, décriées à l’époque, prennent la charge du contenu, les images déclinées… vie. Les filtres jouent leur effet, chacun entre dans la danse du souvenir alors que les balles traversent certaines toiles, que des miroirs vous renvoient votre propre réflexion, comme ils les renvoyaient à l’artiste.

Pour mieux ressentir la marque de ce temps, de cette époque, une petite vidéo accompagnée du chant célèbre des années 60 Monday, Monday …* résonne un moment puis nous accompagne jusqu’à la salle suivante. Des images de paysages immenses, l’Amérique et puis aussi des moments intimes et de de douceur de l’artiste. Ce qui est intéressant c’est la mise en situation de deux images, rassemblées sur un même tableau, qui racontent plusieurs événements et favorisent une troisième image-interprétation du spectateur.

On se souvient du fameux slogan de Paris Match qui a été créé en 1949 « le poids des mots, le choc des photos » Nous sommes en plein dans cette période où luxe, misère, révoltes, guerres, belles voitures, films en jettent plein les yeux. Ici La peinture évoque l’élimination des indiens, là un dîner entre amis à Pompéi. Des objets extérieurs à la toile apportent de la compréhension, un pistolet, des cordes, des grillages. Les couleurs, Monory en joue avec habileté, il créé des ambiances à la Hopper, des dégradés cinématographiques, le bleu certes, mais le rose guimauve avec de longues voitures de luxe qui côtoient des cercueils qui s’alignent. Jacques Monory ne se prononce pas, il laisse parler les images.

Soixante années de peinture…de ces soixante années de peinture, Monory en fait tout un film, une création artistique, une interprétation scandée d’épisodes passés au filtre de ses yeux d’artiste, des épisodes choisis, soigneusement réinterprétés, marqués de son imaginaire où la fiction se mêle à la vie.

Technicolor N.24 et Technicolor N. 22

On appréciera le parcours de cet artiste qui avec sa sensibilité de peintre, tout en prenant du recul, a trouvé son style et réalisé une œuvre, son œuvre, contre vents et marées! … . Poursuivre ensuite la promenade dans les jardins de sculptures, la cour Giacometti, le labyrinthe Miro, au chant des cigales, avec ou sans masque …Ce dernier épisode, en y songeant, aurait peut-être inspiré Jacques Monory disparu trop vite alors que se préparait cette exposition !

* de The Mamas ; the Papas

Brigitte Chéry

le 14 août 2020,

Photo copyright : Béatrice Heyligers

Fondation Maeght 06570 Saint-Paul-de Vence +33 (0)4 93 32 81 63

Exposition : « Jacques Monory » jusqu’au 22 novembre 2020