Guillaume Robin : « Les Secrets de l’Art moderne »

Dans cet ouvrage savant et documenté Guillaume Robin nous fait entrer « dans les arcanes de l’art non élucidé ».

Son premier chapitre aborde le naufrage du « Futurisme » porté par son fondateur Marinetti dans l’idéologie fasciste la plus rétrograde et la plus condamnable. L’auteur insiste sur la dualité contradictoire d’un des plus grands intellectuel du XX° siècle dont la pensée visionnaire fut neutralisée par son nationalisme et sa dévotion à Benito Mussolini.

Marcel Duchamp a élaboré selon André Breton une « nouvelle relation entre l’art et le concept ». Le Ready Made s’impose à lui comme une « révélation de la beauté pure » détruisant l’émotion artistique. Duchamp rompt définitivement avec l’art « qui sent la térébenthine ». Ses objets célèbres (porte bouteille, roue de bicyclette, urinoir, etc.) deviennent des foyers de réflexion sur la valeur de l’art, sa fabrication, le statut de l’artiste et la perception officielle de l’œuvre. Il s’agit bien d’une d’une remise en question de nos fondamentaux culturels. Duchamp met en avant le « regardeur » qui contribue à donner à l’objet le statut d’œuvre d’art. Cette prise en compte du spectateur représente l’une des dimensions les plus importante dans l’histoire de l’art du XX° siècle.

Dans la chapitre intitulé « La mort, le mystère Picasso » l’auteur étudie les rapports difficiles du grand peintre avec l’inéluctable fin qui l’attend. Après avoir rappelé les très nombreux décès de proches qui ont jalonné sa vie, il analyse les derniers portraits dans lesquels il voit un « mystère Picasso » « difficile à appréhender ». Ces autoportraits sont décrits par Pierre Cabanne : « le peintre à tout vu, tout dit du monde, tout nommé, il regarde maintenant ailleurs, la mort en face ».

Michel Leiris, commentant la mort du maître écrivit : « Serait-ce la fin d’un monde et le commencement d’un autre ? »

Au final, l’histoire retiendra pour cette première partie du XX° siècle les deux grands révolutionnaires que furent Marcel Duchamp et Picasso.

En consacrant un chapitre à la galeriste moins connue Jeanne Bucher, Guillaume Robin met en exergue « le rôle considérable qu’elle a joué dans le développement de l’exercice artistique ». « Sans elle, il est probable que de nombreux artistes de renom n’auraient pas pu développer leur immenses talents ». En plus de son action remarquable pour défendre les artistes elle est devenue, pendant la deuxième guerre mondiale, l’une des personnalités féminine les plus mémorables de son époque. Féministe avant l’heure elle a résisté sans fléchir face à l’occupant.

Avec la sexualité d’Andy Warhol, l’auteur s’attaque à un sujet tabou à la Factory. Au delà du prophète pop adulé, le vrai Andy, celui qui aura vécu une relation quasi œdipienne avec sa mère reste un mystère. Il tente de répondre à la question « qui est vraiment Andy Warhol ? Qu’a-t-il voulu dissimuler derrière ses œuvres d’art ? Une sexualité et un amour assumé ou… frustrés ? Le mystère reste entier ».

Il rappelle son enfance, sa timidité maladive, sa personnalité équivoque, ses amours : Truman Capote (amour d’ordre intellectuel), Edie Sedgwick, morte d’une overdose à 28 ans et Jean-Michel Basquiat mort lui aussi après Andy Warhol d’un excès de drogues.

Yves Klein est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands artistes français de la seconde moitié du XX° siècle. La tâche pour analyser la légende reste néanmoins ardue tant l’homme a brouillé les pistes et opacifié la réalité. L’étude du célèbre bleu Klein IKB ne dévoile finalement pas le travail multiforme de cet artiste qui reste une énigme à découvrir. Selon le philosophe Pierre Musso «  son mystère et son œuvre ne s’éclairent que dans leur mise en relation avec l’histoire de l’art ».

Un livre pour amateurs passionnés, totalement investi dans l’histoire de l’art du XX° siècle et cherchant à découvrir le vrai visage des géants de l’art moderne et contemporain.

Christian Depardieu

Guillaume Robin : « Les Secrets de l’Art moderne »

Marinetti, Duchamp, Picasso, Bucher, Warhol, Klein

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