Brèves de lecture

Eyrolles et Larousse, visions d’art

Le hasard fait se rencontrer sur ma table de travail deux ouvrages à but pédagogique, utilitaires, utilisables, et utiles on l’espère, pour introduction à l’art : à propos de la peinture pour l’un, de l’art contemporain pour l’autre. Les objets, et surtout leurs approches, en sont cependant fort différents.

Extrait de Les Grands Evénements de l’histoire de l’Art, un ouvrage collectif plus vaste, Le Petit Larousse des grands Chefs-d’œuvre de la peinture couvre avec sérieux, depuis la Grotte Chauvet jusqu’à Andy Warhol, un peu plus de 30 000 ans d’histoire de l’art, bénéficiant d’un recul suffisant pour rendre compte d’une vision à peu près consensuelle, si toutefois on exclut les cinquante dernières années. Chacune des œuvres proposées est située dans son contexte et fait l’objet d’une analyse assez précise. Il s’agit donc d’un socle de connaissances assurées et d’une méthode ouverte d’approche de l’art pictural.

Parce qu’il traite principalement de l’art contemporain, son panorama allant de l’Impressionnisme jusqu’aux pratiques actuelles, le Comprendre l’art moderne publié par Eyrollesest d’abord un ouvragemal titré. Son autre défaut est de donner la version (traduction de l’anglais) d’un auteur solitaire qui, aussi compétent fut-il, livre ici une vision subjective dans un domaine encore objet de controverses. Les préjugés et partis pris de l’auteur apparaissent dans les choix réductifs et les commentaires orientés. Ces distorsions choquent ma tout autant subjective vision de cette période. Le connaisseur détecte vite les domaines de prédilection du critique et, aux approximations de l’exposé, sorry, ce qui n’est pas de ce gentleman « sa tasse de thé ». Vision anglo-saxonne affirmée : les « œuvres clés » analysées et « autres œuvres » signalées figurent massivement dans des musées britanniques ou américains, lesquels ne sont évidemment pas les plus accessibles pour le lecteur français. Vue d’ailleurs, cette approche historique et critique nous vaut de rencontrer parfois des mouvements et des peintres, mineurs semble-t-il, qui s’ils ont pu jouer un rôle en certains lieux n’ont pas marqué de manière significative l’art contemporain. Dans le même temps sont effacés des mouvements des avant-gardes des années 60 en France. Que ce qui semble occuper une place importante sous notre nez devienne invisible vu de plus loin peut nous donner à réfléchir. Versant positif du défaut, il n’est pas inutile d’aussi parfois injecter dans un paysage qui se banalise une vision autre, des idées et des œuvres restées sur notre tache aveugle. Dans un ouvrage plus développé, assumées et argumentées, ces options qui s’adresseraient à un public averti et non comme c’est le cas ici à des novices, pourraient alimenter une réflexion sur les conditions de perception de l’art et ses possibles diverses lectures par des contemporains. On y détecterait des raisons et des mobiles soutenant les divergences et disputes des critiques et des historiens qui hantent les fondements de leur travail au quotidien. Nous pouvons craindre aussi que le choix de publier sur ce sujet la traduction d’un auteur plutôt qu’un travail collectif qui serait donné dans sa version originale française le soit par facilité ou, plus grave, symptôme d’un complexe actuel : on chante en anglais, des artistes français titrent en anglais des expositions présentées dans des galeries ou des musées français, persuadés que toute reconnaissance doit passer par New York via London. Nous ne manquons pourtant pas de chercheurs compétents et d’enseignants bons historiens de l’art.

Marcel Alocco

Le Petit Larousse des grands Chefs-d’œuvre de la peinture

Collectif, direction artistique Cynthia Savage (Larousse 2012)

Comprendre l’art moderne

Sam Phillips (Eyrolles éditeur, 2013)