Butor l’Italie l’art
Michel Butor aimait l’Italie. Il en aimait le peuple, la culture -ses écrivains, ses poètes, ses artistes…. sa gastronomie. Il en aimait la langue – que je pratique si peu regrettait-il. Ce grand écrivain, essayiste, poète aimait l’Italie comme l’aiment les Français depuis des siècles. Et comme de nombreux artistes et écrivains français, il a parcouru l’Italie, y a fait ses voyages initiatiques, a écumé ses musées.

Son roman emblématique, « La Modification », récit d’un voyage entre Paris et Rome, dit sa connaissance et sa fascination. Sa « Description de San Marco » rend hommage -modeste et incertain, un peu effrayé, disait-il parfois- à l’étourdissante place de Venise « Et elle m’a dit: tu as fait de ton mieux. Continue. » dit-il lors d’un entretien. Son dernier livre, écrit avec Mireille Calle Gruber, « Le chevalier morose » et publié après sa mort, pas encore traduit en italien, se déroule entièrement à Venise et la ville en est l’un des protagonistes. Butor aimait l’Italie, et l’Italie aime Butor comme en témoigne le nombre de ses livres traduits en italien. Comme en témoignent les invitations qu’il en a reçues, les livres de bibliophilie qu’il y a publiés, comme ceux des éditions Colophonarte. Comme en témoignent les hommages qu’il en a reçus lors de sa disparition, et le critique Renato Barilli, par exemple, écrivait à son propos qu’il était « il lato umano del Nouveau roman », et ajoutait que si Butor n’avait pas obtenu le prix Nobel « chi se ne intende veramente glielo ha decretato con piena convinzione e commozione. »

Michel Butor aimait tant l’art et les artistes qu’il a écrit des textes critiques ou poétiques pour 500 d’entre eux, et qu’il a réalisé avec eux plus de 2000 livres d’artistes, autant de collaborations, d’œuvres à quatre mains qu’il appelait parfois des « œuvres croisées ». Les artistes avec lesquels et pour lesquels Michel Butor travaillait appartiennent à toutes les tendances, occupent dans le monde de l’art des situations très diverses. Certains sont très connus et prestigieux, d’autres inconnus ou méconnus. Dans tous les cas, la collaboration dans laquelle Butor s’engageait était d’abord une aventure humaine. Il ne tenait aucun compte de la notoriété. Attitude rare dans le monde de l’art. Générosité unique. Pleine humanité. Ses amis artistes venaient de tous les horizons et de tous les pays. Michel Butor voyageait. Traversait toutes les frontières, entre les arts, entre les genres, entre les pays. Au risque de passer pour un contrebandier. Et parmi les artistes avec lesquels Butor a travaillé, des Français, bien sûr, mais combien d’Italiens aussi, de Ligata à Maranello, de Rosa à Boni. Rêvons semble-t-il dire, Rêvons d’un monde sans frontières. En attendant, disait-il, si, sur les cartes de géographie, on note les frontières en pointillés, c’est pour signifier qu’elles peuvent et doivent être traversées.

Michel Butor… Magna anima aurait-on pu dire dans la Rome antique. Mahatma dit-on encore en Inde. Et c’est le même mot. Raphaël Monticelli
Castello di Apricale : 4 pittori e Michel Butor. Livres d’artistes (textes de Michel Butor) et peintures de Paolo Boni, Jean-Jacques Laurent, Martin Miguel, Leonardo Rosa. Ouvert tous les jours sauf lundi de 15 à 18 h. Jusqu’au 25 juillet.