Biennale de sculpture Monaco 2019
Mettre l’art contemporain à la portée du grand public, sur des lieux inédits et inhabituels à Monaco, tel est depuis dix ans l’objectif de Helena Krajewicz et Rob Rowlands, fondateurs du groupe « artistes en mouvements ». Et progressivement une biennale de sculpture s’est installée.
D’abord suspendues dans les airs, les sculptures se sont petit à petit rapprochées du public, pour être ces dernières années, placées sur la chaussée, le long de la très animée avenue princesse Caroline.
Le thème choisi et lancé sur les réseaux sociaux « le monde marche sur la tête » a inspiré quatorze artistes. Ils ont tous ou presque créé spécialement pour cette biennale de sculpture Monaco 2019.
Espérons que le public appréciera et veillera de lui-même sur ces œuvres. Exposer dans la rue, est une terrible mise à l’épreuve pour l’artiste et pour son œuvre, le public peut l’ignorer, la maltraiter ou pire la profaner.
Sur ce thème d’actualité, bien affirmé, le monde marche sur la tête, certains artistes ont choisi d’inscrire dans leur œuvre, un avertissement, d’autres de transmettre leur souci du futur, mais aussi la revendication de liberté de création ou de rêverie.
Engageons-nous dans cette avenue Princesse Caroline et signalons quelques œuvres !

Helena Krajewicz et Rob Rowlands ouvrent l’exposition, avec un champ de coquelicots. Non Il ne s’agit pas de la chanson : Gentil coquelicot Mesdames, ni du souvenir-symbole des anciens combattants de la guerre de 1914-18 du Royaume-Uni. Le tandem Helena et Rob fidèle à ses engagements, d’une plaque d’argile rouge craquelée d’où surgissent des coquelicots, élève un cri d’alarme, un appel à résistance. Nous voulons des coquelicots est le nom d’un mouvement de contestation contre l’usage des pesticides, c’est dans une perspective d’espoir dans le futur qu’il s’adresse au public.

A ses côtés, l’œuvre de Barna Gacsi, Esclaves, apparaît d’abord encore empreinte de la charge émotionnelle qu’elle dégageait à l’entrée de l’exposition de l’ancien bagne de Nice cet été.
Puis la force de l’œuvre s’installe, parle par elle-même, communique les expériences et les sentiments vécus par l’artiste tout en interrogeant le public. L’œuvre est dirigée vers le port de Monaco, mise en espace face à cette mer dont la vue est quasiment bouchée par des commerces, alors d’autres réflexions s’y ajoutent. Pourquoi barrer une vue si merveilleuse, occulter l’espoir de futures évasions, pourquoi l’œuvre des hommes, va-t-elle à son encontre ?
Puis en remontant l’avenue Princesse Caroline, prendre le temps de découvrir La cavalière sur cheval bleu d’Elisabeth Brainos, sculpture précieuse placée dans un bel espace. Et imaginer, rêver, enfourcher cette monture pour une promenade poétique, onirique afin de profiter des doux moments de la vie.
Ou plus loin, entrer dans la danse rituelle, comme nous le proposent S-et-Ch dits SETCH. Cette lourde sculpture d’acier rouillé, oxydé, rappelle les traditions qui disparaissent. Cesdanseurs qui protègent, unissent, partagent, ne sont pas issus d’une autre civilisation et la rouille sur l’acier de la sculpture nous le rappelle. Qui nous tendra la main demain, si nous ne participons pas à la vie ?

Le sujet, le monde marche sur la tête, a bien inspiré cette artiste qui a planté sur des tiges en métal une vingtaine de têtes en céramique, visages figés, regards mornes, pierrots interrogatifs rassemblés soigneusement. Ils paraissent indifférents au public ces visages, ou en être le miroir. Les couleurs de leurs visages, le noir et le blanc avec un beau fini craquelé raku, pourraient annoncer les cendres d’un monde finissant, si on n’y prenait garde alors l’espoir pourra naître. Bien sûr chacun y trouvera son explication, se racontera son histoire mais ne sera pas indifférent à la réalisation de cette belle sculpture.

Venu du nord de la France, Géry Rudent propose une étrange installation à même la rue. Deux petits enfants accroupis, nus, face à face, essaient de tracer ou de trouver une direction, au milieu des pavés, en tirant sur un même râteau à deux sens. Que nous racontent ces enfants dont l’arrière de la tête est marqué d’un circuit imprimé, le corps dénudé de protection, présagent-ils des futurs humains marqués avec une puce ? Sommes-nous en pleine science-fiction, ou dans un cauchemar. L’artiste nous alerte d’un danger, comment y échapper. Le monde « bugue ». Quel sens voulons-nous donner à la vie !
Peut-être en guise de conclusion, art de la mise en espace, conseiller de prendre la belle fusée, qu’offre face à lui, le sculpteur Nys et son Spout-nys. Missile de vie ou de mort, à nous de faire nos choix.

Les enfants encore. Et si le fragile espoir venait vraiment des enfants ? raconte Maria Amos, en rappelant les paroles Power to the children du chanteur allemand Herbert Groenemeyer, avec une œuvre un peu fragile pour la rue. Une terre bleue sous un globe transparent : des enfants Installés sous des arbres simulés par des fleurs de pissenlits, nous transmettent, des mots, des messages, avec les plumets de ces fleurs, comme le Larousse qui sème à tout vent. il y a beaucoup de poésie dans cette œuvre. Ecoutons-les ces enfants !
Brigitte Chéry
le 30 septembre 2019
Photos copyright Béatrice Heyligers
*Voir aussi les œuvres de Gérard Braguy, Maurizio Del Piano, Marc Gaillet, Lapicoré et Lawicka (AL2)