Brèves de lecture

Art Contemporain et travail de Paul Ardenne – Barbara Polla

À l’initiative de Paul Ardenne et Barbara Polla, une exposition, Working Men, qui suscite un ensemble de textes de critiques d’art et de commissaires d’exposition. Approches diverses de la question.

La représentation du travail n’apparaîtrait guère chez les artistes contemporains. D’entrée, Barbara Polla écrit avoir « été frappée par l’invisibilité relative du travail dans l’art vivant ». Invisibilité n’est peut-être pas absence. On peut supposer que le sujet ne serait pas apprécié par les médiateurs, qui occulteraient les réflexions gênantes pour leurs « clients » : les artistes contemporains se disent volontiers « subversifs », mais les fonds bancaires étant contraignants, le fond ne correspond que bien rarement aux apparences. Les machines sont de préférence explicitées comme image métaphysique que comme figure du rapport ouvrier de l’homme à la machine. Jean Tinguely expose ses machines absurdes au moment où elles culminent dans la production industrielle. Les chroniqueurs oublient plus facilement les interventions d’Ernest Pignon-Ernest* « maladie professionnelle » à Grenoble ou « les chômeurs » de Calais (1979) que d’autres dont les images évoquent des problèmes au moins aussi importants, mais les responsabilités ressenties comme plus diluées dans la société. Il est vrai que le Réalisme socialiste soviétique, passé les dix années futuriste et constructiviste, a donné une image artistique du travail plutôt médiocre. Mais que (singulièrement dans les années 60-70) les artistes parlent de leurs objets en employant le mot « travail » a peut-être du sens.

Le sujet vaut sans doute qu’on y réfléchisse : c’est pourquoi, n’ayant lu à cet instant que l’introduction, je vais me contraindre de lire toutes les contributions.

par M.A.

Art Contemporain et travail de
Paul Ardenne – Barbara Polla,
Ed. Luc Pire, collection QUE/essai


échange de mails avec E. Pignon-Ernest

Marcel Alocco :

Ecrivant un court texte dans Performarts à propos de « Working men, Art Contemporain et travail » de Paul Ardenne et Barbara Polla, j’ai pensé qu’il y a eu des travaux, mais que ce ne sont pas ceux-là qui sont le mieux « médiatisés ». Je me suis souvenu et j’ai retrouvé traces de tes interventions à Grenoble « maladie professionnelle » et « les chômeurs de Calais » en 1979. J’ai souvenir d’une intervention, probablement antérieure, à propos des accidents du travail, à Paris au Musée de la Ville, il me semble.

Ernest Pignon-Ernest :

Oui j’avais fait une série d’images à Grenoble en 1976 en liaison avec les comités d’entreprises. Le thème en était non pas les accidents du travail, mais les agressions invisibles, lentes, qui rongent l’organisme pendant des années ( bruit, fumée, amiante, pollutions diverses ). Sur une image de base j’avais avec chaque groupe tenté un signe, une transcription graphique de l »agression, puis une mise en situation.

Mais j’avais en effet réalisé une installation ( on n’usait pas de ce mot en ces temps là ) sur le thème des accidents du travail. C’était au « Salon de la jeune peinture » de 1972. Il avait lieu au Grand Palais et tous les artistes se plaignaient que les salles n’avaient été octroyées que pour 12 jours . J’avais bâti ma salle sur cette brièveté et utilisé le temps de l’exposition, perçu comme très court, comme élément « suggestif » essentiel de la proposition, en mettant sur les murs 156 images d’un mec grandeur nature : C’est le nombre de types qui allaient mourir d’accident du travail pendant la durée de l’expo. C’est la première fois que j’utilisais le temps autant que l’image comme élément d’appréhension « poétique » et dramatique du réel…

il y a aussi l’image que j’ai réalisé à Avignon avec des travailleurs algériens… Je crois qu’on voit ça sur mon site.