A DEUX PAS DU BOIS Simon Couvin
Les cheveux ont toujours contenu des rêves si multiples, érotiques, mais aussi des voyages infinis où l’océan de la chevelure fait entrevoir, écrivait Baudelaire, des architectures fines et compliquées sur un ciel immense où se prélasse l’éternelle chaleur.
Nous découvrons parfois une vallée de lumière. C’est cette lumière qui est une des forces tangibles du travail de Simon.
Devant un appareil numérique posé sur un trépied et en fond un rideau noir, Simon lâche une poignée de cheveux recueillie dans sa main.

Là le temps et la longueur du cheveu sont étroitement associés à la convenance de l’artiste. Le cheveu reflète la lumière. Lumière du soleil et ombre se côtoient : une dualité qui parcourt l’œuvre de l’artiste.
Simon intervient sur la dimension temporelle à travers les variations de vitesse de l’appareil. Ainsi les cheveux très courts en un instant éclatent dans la photo comme une mosaïque de diamants, noirs, gris, blancs. Un univers abstrait est créé qui nous détache de toute réalité.
L’artiste a le pouvoir d’allonger le temps, ainsi le cheveu prend lui aussi une autre dimension, un flot surgit de l’ombre nous emportant dans notre propre univers, affranchi de la reproduction d’une réalité tangible.
Le cheveu va gagner en autonomie dans cette expérience passionnante.
L’artiste va par la suite utiliser du papier troué et enfiler le cheveu dans deux trous pour qu’il se maintienne à la base.

Les cheveux s’élèvent vers le ciel et vont ensuite évoluer à leur guise.
Ainsi ils surgissent dans un tournoiement qui nous fait vibrer.
Le premier plan peut être net sur un arrière-plan qui devient flou, un flou qui se dilate et rend la vision vaporeuse. Il renvoie à une réalité nébuleuse. Une végétation pousse, à travers les herbes rayonne le Soleil, la Vie.
Dans la tradition, le cheveu est certes symbole de pouvoir et de sensualité, mais il est aussi le siège de l’âme car on ne coupe pas les cheveux au tout petit enfant pour qu’il ne perde pas l’âme qui s’y cache.
Le cheveu est l’élément du corps le moins symétrique et Simon met en scène son individualité.

Le titre de l’exposition A deux pas du bois ne semble avoir aucun lien avec les photos. Peut-être en trouvons nous un dans la série Les Fagots de bois, fagots de cheveux à la mesure de la main de l’artiste qui les noue.
Enfin nous découvrons les galets, des galets brisés au départ par des véhicules de terrassement. L’artiste construit un filet de mailles de cheveux qui protège le galet reconstitué. Nous allons trouver dans cette série de photos une nouvelle forme de dualité.
Simon joue sur les motifs de la maille présentée sans galet. A une vision géométrique succède d’autres propositions où les lignes sont déconstruites et le filet explose.
Ainsi sentons nous notre propre fragilité humaine. L’unité retrouvée peut éclater et partir à la dérive.
Le dernier gros plan sur le galet et le maillage nous montre le gouffre insondable que révèle la faille du galet.

Certes le rôle protecteur du filet est dynamité mais cette blessure intérieure ne conduit-elle pas à sentir une impossible unité existentielle ?
Si unité il y a, nous la trouvons dans cette expérience artistique originale qui réunit des dimensions opposées et donne un sens au paradoxe, à l’obscure clarté qui nous envahit devant la Beauté.
Nicole Deleu
10/10/21
Exposition Simon Couvin
Galerie Depardieu, Nice
(du 10/09/2021 au 09/10/2021)